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LE SPHYNX.

les pressait de se remettre en marche : Julie demeurait immobile. Elle ne tremblait plus ; elle semblait, au contraire, animée d’une sombre résolution, mais elle écoutait le bel Onfray, sondant chacune de ses paroles, attendant un accent de son âme pour lui pardonner.

— Julie, lui dit sa mère, manques-tu de codage ?

Non, la pauvre enfant n’en manquait pas, car elle obéit aussitôt et a’avança pour prendre le bras de Georges.

— Faut-il vous répéter que je m’étais égaré ? lui dit rapidement Arsène.

Il mentait et ne mentait pas.

— Si je ne vous croyais point, répliqua-t-elle » je ne voudrais plus vqus Pourquoi tant de serments et d’excuses ? Si vous m’aimez, vous n’êtes plus coupable, car alors vous êtes assez puni.

Arsène se vit forcé de marcher à côté de l’aïeule dont le regard sévèrement ironique acheva de l’embarrasser. Ce retour fut triste comme l’aurore glacée d’une journée d’hiver : que de mauvais présages, en effet, et que de doutes s’éveillaient au cœur de ces quatre personnes qui cheminaient, instinctivement ployées sous la haine publique ! Il y avait là deux êtres qui souffraient déjà de s’aimer ! Les Laverdiens cependant se tenaient cois à leurs fenêtres. Mais la petite troupe atteignit à temps la Maison-Grise, car on commençait à se parler d’une fenêtre à l’autre, les enfants sortaient de nouveau et se rassemblaient dans la rue ; quelques pas encore, et l’odieuse scène allait se répéter. Une véritable colère enflammait alors le bel Onfray.

— M. de Brennes m’a enlevé un grand plaisir, s’écria-t-il.

Et il s’obstina à demeurer devant la porte, cherchant des yeux un ennemi. — Julie ayant disparu, les hommes se retiraient déjà, et, si les femmes restaient à leur poste, ce n’était plus que pour voir ce beau Parisien, qui, malgré tant d’esclandres, ne pouvaient perdre ses droits à l’intérêt de la plus tendre moitié du canton. — Lorsque, confus d’un succès si malencontreux et plus irrité qu’auparavant, Arsène se décida enfin à rentrer, il retrouva ses trois compagnons marchant, sans se rien dire, par les allées du jardin. Madame André serrait, de temps en temps, la main de l’artiste : Julie comprimait son cœur pour ne pas sourire à Georges, car c’eût été accuser Arsène. Mais Georges devina cette triste comparaison, la première torture d’un amour qui s’mteirogeait.