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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/190

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LE PRÉSENT.

lui, par son indifférence apparente, la plus humiliante de toutes les vengeances. S’il avait appris qu’elle laissât percer seulement un regret, il aurait recommencé d’appartenir de toute son âme à la Maison-Grise, en dépit du fantôme de Baptiste Moreau.

— Un jour, je parlerai, murmura Julie.

Cette scène se termina comme toutes les autres : il n’osa pas presser la jeune femme. Il demeura même plus d’une heure auprès d’elle, cherchant en vain à redonner un peu d’accord à leur causerie ; mais son cœur et sa, voix ne rendaient plus que des notes languissantes et fausses, comme les cordes d’un instrument détendu.

— Quel châtiment pour votre fille ! dit Julie, le soir, à sa mère.

« Elle parlera, » se disait sans cesse Arsène.

L’ennui l’opprimait de plus en plus, et quelque chose de vague comme de la terreur environnait tout son être. Ne fallait-il pas qu’il prit enfin un parti, d’aimer Julie ou de ne l’aimer plus, de demeurer ou de partir, d’oser ou de reculer lâchement ? Mais que se passait-il au petit Château ? que faisait madame du Songeux ? que voulait-elle ?

— Mon maître ne sortira jamais de là tout seul, disait François avec désespoir à la femme de chambre d’Anna. N’est-il pas bien temps que madame se montre ?

Le maraud n’était occupé depuis quelques jours qu’à s’attirer les confidences de son maître. Arsène se trouvait si las, que le vide qui régnait toujours au fond de son cœur commençait à se faire aussi dans sa raison. Il était si abandonné, si perplexe enfin… il parla.

Ce n’était pas que François eût besoin d’interroger son maître pour savoir ce qui se passait à la Maison-Grise. Il aurait parié de dire, le soir, sur un geste d’Arsène, tout ce que celui-ci avait ressenti, éprouvé ou subi durant la journée entière, et, en provoquant de sa part une confession, il n’avait d’autre but que de s’assurer le droit de porter la parole à son tour. La confession d’Arsène se résuma en deux phrases très-significatives :

— Ah ! je n’obtiens rien, je ne sais que faire, mon pauvre François.

C’en était bien assez pour autoriser celui-ci à tout ; il feignit de se méprendre sur ce mot : Je n’obtiens rien.

— Monsieur, cependant, n’a plus dix-huit ans !

Quelque peu qu’il eût dit, le bel Onfray sentit gronder en lui un nouveau remords, ou tout au moins beaucoup de honte ; mais il ne renvoya