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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/206

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LE PRÉSENT.

trement que par une espèce de grâce spéciale et satanique. Au mot de grâce spéciale, substituez, si vous voulez, le mot de folie, ou d’hallucination ; mais vous ne serez guères plus avancé. La collection de toutes ces pièces répand une contagion ; les cocasseries de Brueghel le Drôle donnent le vertige. Comment une intelligence humaine a-t-elle pu contenir tant de diableries et de merveilles, résumer et crayonner tant d’effrayantes absurdités ? Je ne puis le comprendre ni en déterminer positivement la raison ; mais souvent nous trouvons dans l’histoire, et même dans plus d’une partie moderne de l’histoire, la preuve de l’immense puissance des contagions, de l’empoisonnement par l’atmosphère morale, et je ne puis m’empêcher de remarquer (mais sans affectation, sans pédantisme, sans visée positive, comme de prouver que Brueghel a pu voir le Diable en personne) que cette prodigieuse floraison de monstruosités coïncide de la manière la plus singulière avec la fameuse et historique épidémie des Sorciers.


Charles Baudelaire.