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LE COSTUME AU THÉÂTRE
LA TRAGÉDIE DEPUIS 1636.

« Qu’on ne s’y trompe pas, a dit un grand poëte contemporain, ce vêtement noir que portent les hommes de notre temps est un symbole terrible ; pour en venir là, il a fallu que les armures tombassent pièce à pièce et les broderies fleur à fleur. C’est la raison humaine qui a renverse toutes les illusions, mais elle en porte elle-même le deuil, afin qu’on la console. » Voilà qui est peut-être trop joliment tourné pour être tout à fait juste, on peut dire cependant qu’il n’est pas de dessin du temps passe qui, à n’être considéré qu’à ce seul point de vue de l’ajustement, n’éveille une rêverie infinie et ne soulève un monde d’idées. C’est que l’histoire, au point de vue physiologique vivant, vraiment humain, est tout entière dans le costume ; ou du moins on l’y retrouve tout entière. À chaque époque, les modes du corps sont dans un rapport exact avec celles de l’esprit ; les changements de religion, d’opinion, de manière de vivre, se traduisent immédiatement par des changements d’habits. La mode, qu’on appelle bizarre, capricieuse, ne l’est point, mais est au contraire ce qu’il y a de plus fatal au monde et de plus logique.

Les divertissements et les spectacles qui, en France surtout, sont choses sérieuses, et manifestent à chaque époque les idées et les passions contemporaines, n’ont pas échappé à cette loi. Les costumes tragiques, par exemple, ont été conçus depuis Louis XIII dans quatre systèmes différents ; à chacun de ces systèmes correspond un système distinct de déclamation et de mimique. Bien plus, pour que trois révolutions aient été possibles dans les habits tragiques, il faut que, trois fois, les idées et la vie entière de la nation aient été profondément modifiées.


Richelieu envoya au comédien Bellerose un habit de sa garde-robe pour jouer