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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/239

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REVUE DES COURS PUBLICS.

ou d’un Laplace. Au contraire, pour le commun des esprits, elles seraient une gêne ; elles embarrasseraient le jeu du raisonnement necessaire pour s’approprier les formules. Ce raisonnement s’obtient par la méthode géométrique, et le tort des adversaires de la littérature, c’est précisément de vouloir appliquer à tous les raisonnements, même en dehors du domaine des sciences, cette méthode qui est toute spéciale. Les définitions des savants sont rigoureuses, parce qu’elles reposent sur des conventions précises, qui sont d’invention purement humaine, comme le cercle, la ligne, etc. Qu’on passe de cette région tout abstraite à la matière elle-même, les définitions seront moins nettes et moins faciles. L’esprit aura besoin d’un effort, soit pour appliquer ses formules artificielles à la réalité, soit pour développer ses définitions en termes justes, et ses idées en figures intelligibles ; en un mot, pour raisonner. Les mots âme et devoir, par exemple, qui ne sont point du ressort de la géométrie, comment les saisir par la méthode géométrique ? C’est par l’exercice littéraire, par la philosophie et la logique qu’on y arrivera ; c’est par de bonnes études classiques qu’on assouplira et aiguisera cette arme si précieuse du raisonnement, qui doit renverser tout ce qu’elle attaque et défendre tous ceux qui l’exercent.

Il faut, pour cela, passer ses premières années dans l’application de l’intelligence aux mots, à leur valeur et à leur agencement, parce que ce sont ceux-là qui représentent le mieux des idées perceptibles pour l’enfant, et qui, à la longue, apprennent à l’esprit le secret de sa propre justesse, jusqu’à ce qu’il puisse voir, pour ainsi dire, les idées en face, dépouillées de leur vêtement littéraire, et qu’il se sente de force à les mesurer et à les faire valoir. En attendant, c’est aux auteurs anciens qu’il va demander l’art de les exprimer, non pas seulement, comme on le croit encore, pour comprendre les textes latins et grecs, — ce qui n’exigerait pas huit ans, — mais aussi pour s’entretenir dans le commerce des grands hommes qui ont donné à leur pensée la forme la plus juste, à leur raisonnement la suite la plus logique, à leur langage le plus solide éclat. L’analyse des bons livres français et anciens fait des esprits critiques, et les esprits critiques, commençant par les auteurs qu’ils ont sous les yeux, finissent par eux-mêmes, émondent leurs propres défauts et acquièrent d’incontestables qualités, non pour une carrière spéciale, mais pour toutes les carrières. Voilà le bénéfice d’un enseignement secondaire bien fait ; voilà dans quelle pensée l’État le dispense à la jeunesse. Sur ce point, l’expérience est faite, et il n’y a pas à insister davantage.

Quant à l’enseignement supérieur, il met en lumière, non-seulement des talents de parole, mais encore des écrivains, et nous avons quelques cours à citer et quelques ouvrages à faire connaître.

Je prends un cours qui me sera une transition naturelle. C’est celui que fait avec distinction M. Duverger à l’École de Droit, et voici le titre d’une leçon qui m’a attiré : De la puissance paternelle et de l’éducation sous le code civil.