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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/241

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REVUE DES COURS PUBLICS.

et d’une nuée d’épigrammes. On se souvient toujours de Peirin Dandin et des Plaideurs, Mais, après réflexion, on reconnaît que nous n’avons plus aujourd’hui ni distinctions féodales, ni juges qui renvoient au moment de l’audience un sommeil qu’ils peuvent piendre à une autre heure, ni avocats qui parlent d’astronomie et de cosmogonie à propos d’un chapon dévoré par un chien. Tous ces désordres sont passés. La procédure est une science, et tous ses problèmes trouvent une heureuse solution dans le cours de M. Colmet-d’Aage. On hésite d’abord à le suivre dans ce dédale, et l’on craint de perdre le fil dans ces arides complications. Il suffit de s’attacher sans scrupule au savant professeur ; les difficultés s’aplanissent bientôt et la lumière se fait.

Dans le cours de M. Bravard-Veyrières, j’ai entendu parler du concordat entre créanciers et débiteurs, et citer un exemple produit par M. Pascalis. Le voici : Deux enfants du même père ont reçu de lui la même avance de fonds. L’un d’eux, économe et prudent, au jour du décès du prêteur, devra le rapport de la somme entière. L’autre, dissipateur ou seulement imprudent, est tombé en faillite. Il a fait un concordat et n’offre qu’un faible dividende à ses créanciers. Est-il juste que son obligation envers ses cohéritiers soit moins étendue ? Faut-il que le premier souffre de l’inconduile ou du malheur du second ? Enfin, la libération résultant du concordat dispense-t-elle le failli de rapporter la portion de dette dont le concordat lui a consenti la remise ? M. Bravard dit oui, contrairement à tous les grands jurisconsultes. En entendant cette parole pleine de vie, de mouvement, ces arguments pleins de force, on n’ose pas le contredire, et le doute reste encore la meilleure des solutions.

Il est temps de sortir de l’École de Droit. La science technique, le texte des lois, y sont choses saines, mais un peu substantielles. Elles pourraient nous faire tourner au pédantisme ou à l’ennui. Entrons au Collége de France, qui est tout proche, et tâchons, s’il se peut, d’y rencontrer l’imagination. Cela nous recréera.

M. Rossignol, dans sa chaire de littérature grecque, vient d’expliquer les Euménides d’Eschyle, avec cette sûre connaissance des mots et de leur filiation qui rappelle la manière de son maître, M. Boissonade, et avec cette variété de remarques philologiques qui fait oublier que c’est de la grande poésie qu’il parle. Quel plus poétique et plus saisissant tableau, cependant, que celui des Euménides, ces gardiennes vigilantes d’une mère outragée, qui rappellent si fortement à Oreste qu’une mère, même coupable, ne doit jamais l’être pour son fils ! On ne les voit point à Argos, ces terribles Gorgones qui vont agiter ses esprits, aussitôt qu’il aura tué Clytemnestre ; et cependant Oreste les reconnaît à travers le voile que le remords étend déjà sur sa raison ; ou plutôt elles sont le remords lui-même qui siffle à ses oreilles et lui mord les entrailles. En voyant apparaître l’ombre inassouvie de Clytemnestre, on se reporte involontairement au souvenir de Banco, comme le chœur et les danses infernales des Furies rappellent les sor-