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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/313

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LE SPHYNX.

lui, un geste de menace. — S’il abandonnait son cœur à toutes les faiblesses, il savait du moins défendre son honneur… Anna le trouva bien beau dans cette attitude, qui était presque un défi.— Mais M. de Brennes se prit à sourire. Depuis le jour où il avait combattu pour Julie à la place du bel Onfray, qui savait s’égarer si à proposai le méprisait le plus sincèrement du monde : cet homme, à ses yeux, jouait sans cesse une comédie, et cet élégant portefeuille, dont il ignorait le contenu, mais qui tombait aux pieds d’Anna d’une façon si émouvante, ne lui parut être qu’un incident de quelque nouvelle pièce. — Arsène, cependant, avait vu ce sourire ; il marcha tout droit au gentilhomme, madame du Songeux l’arrêta.

— Revenez ce soir, dit-elle.

C’était son cœur qui s’insurgeait et qui parlait en dépit d’elle-même. Embarrassée dans son propre piège, elle ne savait comment s’y prendre pour congédier M. de Brennes, et maintenant elle voulait à tout prix demeurer seule avec Arsène. Mais le gentilhomme souriait toujours à son embarras et à la colère du bel Onfray.

— Monsieur, dit-il enfin en saluant, m’a une fois cédé sa place, dans un instant périlleux, et, c’est une politesse que je veux lui rendre. Pourquoi le congédier, madame, et non pas moi ?

— Restez donc, s’écria madame du Songeux, en voyant qu’Arsène allait le suivre.

Il resta…

— C’était beaucoup de bruit pour rien, disait, le soir, la femme de chambre à François.

— Pour rien ! s’écria François, outré que l’on appréciât si mal l’effort de sa diplomatie. Pour rien ! D’abord, vous ne connaissez pas mon maître, votre maîtresse pas davantage ; ensuite, vous ignorez le cœur humain ! Il ne contient guère d’orage qui ne se termine en pluie, ma chère. C’est à la fin des choses qu’il faudrait juger de leur gravité ; mais la fin des plus sérieuses n’est le plus souvent qu’une bamboche.

Madame Éléonore ne fit point, au petit Château, sa visite accoutumée. Le choix de l’attitude qu’elle avait à prendre vis-à-vis d’Arsène lui causait un grand souci ; son antipathie pour cet homme bien fait était sincère, et d’ailleurs elle sentait que la vue du bonheur d’Anna