Là où il y a deux Français, une causerie s’établit aussitôt. Les Anglais gardent entre eux un silence habituel, interrompu, à intervalles de plusieurs jours, par des « speachs » très-longs qu’ils prononcent en cérémonie, et qu’ils se font subir tour à tour. Cet échange réglé de paroles a lieu le plus souvent à la fin des repas d’apparat, une vigoureuse alimentation leur semblant nécessaire pour soutenir le choc de leurs speachs respectifs.
Le dimanche, dans la Grande-Bretagne, est un jour de repos forcé, de monotonie sérieuse. La musique est interdite, sauf la musique religieuse. La danse est brusquement suspendue au premier coup de minuit sonnant, entre le samedi qui finit et le dimanche qui commence. Balzac a remarqué que les familles anglaises marchaient, le dimanche, avec une lenteur et une solennité inusitées, afin de n’avoir pas l’air de prendre, dans la promenade, un plaisir profane.
Ne rien faire contre l’usage, faire tout selon l’usage, est la préoccupation constante de ces descendants des puritains. Une jolie miss s’était fait enlever, selon l’usage sans doute, par un fiancé auquel ses parents refusaient leur consentement. Après la bénédiction nuptiale donnée le soir par un clergyman à nos deux fugitifs, les nouveaux époux se retirèrent dans leur chambre à coucher. Le jeune homme doit déshabiller la mariée ; soit maladresse, soit emportement amoureux, la femme de chambre improvisée laisse tomber jusqu’au dernier voile de la vierge anglaise, subitement transformée en Vénus de Médicis. La fiancée, debout, dans la pose pudique de la célèbre statue, demande en rougissant : « My dear ?… C’est donc l’usage ?… »
Si notre vivacité proverbiale a toujours « l’oreille près du bonnet, » notre politesse garde souvent l’oreille loin du chapeau, tandis que la fixité du chapeau sur la tête est un des signes extérieurs et comme le couronnement de la dignité du citoyen anglais. Un gentleman ne re-
