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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/401

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LES IDÉES FIXES.

vues étroites et particulières : ils manquent de vues d’ensemble. Chacun d’eux a son idée fixe au service de laquelle il soumet toutes ses facultés, et au triomphe de laquelle il subordonne les autres préoccupations. Tout ce qu’ils ont en eux de passion et de vitalité, ils le placent sur un point unique. Leur existense se dépense à poursuivre un but incomplet, à tâcher de mettre une épée trop longue et trop large dans un fourreau trop court et trop étroit.

Qu’elle est nombreuse cette famille d’homme à Idées Fixes ! Que de variétés dans l’espèce !

Et voici d’abord les héritiers et les représentants de l’antique haine internationale d’Anglais à Français, de « John Bull à French Dog ! » Dirait-on que ce sont les compatriotes du théoricien de la paix à tout prix (autre Idée Fixe) ?

Le comte Télé… racontait, à Londres, qu’un jour des réfugiés hongrois, ses compatriotes, lui ayant donné rendez-vous dans une taverne, il entendit, en approchant de celle-ci, le bruit d’une dispute. Il entre, et voit ses compatriotes aux prises avec des Anglais.

— Holà ! messieurs, s’écrie le comte Télé… que vous ont fait ces a Hungrian gentlemen ? »

À ce mot « Hungrian, » les poings fermés se rouvrent, les bras levés retombent, les figures contractées par la colère se détendent. « L’ami de la Paix » eût été touché de ce spectacle, et il eût retenu ce mot « Hungrian » comme un mot magique pour faire cesser les luttes et les batailles.

— Pardonnez-nous, dirent les Anglais se confondant en excuses, mais nous ne nous doutions pas que ces messieurs fussent Hongrois. À leur air, à leur moustache, nous les prenions pour des « Frenchmen. » Veuillez boire avec nous sans rancune : « À la Hongrie ! »

Une Idée Fixe qui eut des résultats plus graves est celle de ce ministre qui avait lancé l’Angleterre, à la tête de l’Europe coalisée, contre la France en révolution. Ce représentant d’un peuple libre soudoyait l’ar¬