— Oui.
— De ne pas exposer tes membres à des lésions qui pourraient avarier le système osseux qui m’appartient dès à présent ?
— Oui.
— Ton squelette est ma propriété : tu en gardes, d’après nos conventions, l’usage ta vie durant. Songe que la loi ordonne à l’usufruitier de ne pas abuser d’une propriété qui ne lui appartient pas : le devoir de l’usufruitier, aux termes légaux, est « d’user en bon père de famille de la propriété qui lui est confiée. ».
— Oui.
— C’est bien (all right) !
James remit les bank-notes au mendiant. Pendant que celui-ci les comptait assis devant la table, le docteur vida sur un mouchoir le contenu d’une fiole bouchée à l’emeri, puis il porta vivement le linge imbibé sous les narines du petit Charlie. Celui-ci toussa et tomba aussitôt dans un assoupissement profond.
James roula les deux cents guinées et les serra dans une des poches du géant. Ensuite, il commanda à Josuah de relever la manche qui couvrait le bras gauche de Charlie.
Celui-ci restait dans un état d’insensibilité physique, d’inertie complète.
L’immense bras du petit Charlie dénudé jusqu’à l’épaule, le docteur prit une aiguille et se mit à préparer sur la peau qui recouvrait le principal muscle extenseur, un tatouage ineffaçable, tel que la police « n pratique sur le corps des malfaiteurs émérites qu’elle tient à reconnaître à des signes certains.
Par une suite d’élevures délicatement pointillées dans l’épiderme, avec l’extrémité de l’aiguille, le docteur écrivit en caractères lisibles sur le bras du géant :
« Mon squelette a été vendu 200 guinées, ce jour de Noël 18**, au docteur James. Celui qui, après ma mort, rapportera mon squelette au Musée des chirurgiens, à Londres, recevra 100 guinées de récompense. »
Le docteur saupoudra ce pointillage d’une poudre bleue indélébile. Le contrat se trouva écrit ainsi en lettres bleues sur parchemin vivant.
Josuah recouvrit le bras avec la manche.