Aller au contenu

Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/447

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
427
L’INDE FRANÇAISE.

d’y concentrer leurs forces, actuellement dispersées sur plusieurs points. Ici, la démence le disputait à l’impéritie, et, dès cette époque, l’une et l’autre ne feront que croître. Une expédition en sens inverse succéda au projet sur Madras ; on marcha dans le sud.

Le Radjah du Tand-Jaur était tenu depuis longtemps d’acquitter une dette de cinquante-cinq laks de roupies, treize millions sept cent cinquante mille livres, contractée au profit de Khanda-Çaeb, et cédée à Dupleix par Radjah-Çaeb, fils de notre ancien allié. Le Radjah refusant de reconnaître cette créance, il fallait l’y contraindre, mais en un temps plus opportun. Il était au moins imprudent, après avoir dégarni toutes les frontières septentrionales du Karnatik, de s’en éloigner d’une distance égale au sud de Pondichéry pour un objet d’une importance nulle dans les conjonctures actuelles. Mais Lally répondit aux premières objections qu’on lui adressa en déclarant que ses ordres étaient donnés. Il se mit impatiemment en marche, à la tête de seize cents hommes, sans artillerie et sans approvisionnements. De Katikal il écrivit au Radjah : « Je vous donne vingt-quatre heures pour délibérer sur les moyens d’acquitter cette dette. Passé ce temps, j’irai me payer moi-même. » Cette sommation fière et laconique n’eut pas un résultat d’une égale netteté. Le chef hindou le laissa venir. À peine nous vit-il campés devant la place, qu’il ouvrit des négociations et offrit trois laks. Lally en accepta cinq et le tint quitte du surplus. Tandis qu’on négociait, les Anglais firent passer des troupes de Triçnapâli à Tand-Jaur, et le Radjah rompit brusquement les conférences. Aussitôt l’artillerie, empruntée aux Hollandais de Négapatnam, battit la ville en brèche ; mais la garnison fit une sortie générale et jeta nos troupes, mal commandées, dans le plus grand désordre. Lally perdit la tête, encloua son canon et se retira en toute hâte sur Karikal, d’où il revint à peu près seul à Pondichéry, humilié, irrité et rejetant sur la colonie entière la responsabilité de ses mauvaises mesures. En revanche, les critiques les plus amères ne lui furent pas épargnées, et le parallèle désobligeant, qu’on affectait de renouveler entre Bussy et lui, le pénétra d’une haine profonde pour cet excellent officier, qui possédait en réalité toutes les qualités supérieures qui manquaient à son général. Nul ne contestait à ce dernier bravoure, sa rapidité de décision et d’exécution, mais on lui déniait, à juste titre, la capacité de commander en chef, la connaissance indis-