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L’INDE FRANÇAISE.

dans la campagne et sur les bords de la mer. Rien de semblable ne s’était vu depuis les horreurs de la guerre de Trente ans, sous Tilly et Wallenstein. Pondichéry n’existait plus. Le seul comptoir que nous eussions sur la côte du Malabar, Mahé, ne tarda pas à tomber au pouvoir de nos ennemis nationaux.

Tandis qu’ils nous assassinaient sur les cendres de nos établissements, Law de Lauriston leur tenait tête dans le Bengale où il commandait l’armée d’Ali-Gohor, fils aîné de l’empereur Alam-Guir II, et qui venait de succéder à son père sous le nom d’Alam-Çah II. Mir-Djaffer-Khan, le traître de Palaççi, l’assassin de Çurad-Ju-Dulâh, n’avait pas retiré de son crime tous les bénéfices qu’il en attendait. Dès que la direction de Calcutta eut reçu et encaissé les soixante-quinze millions exigés après la victoire apocryphe de Clive, elle s’était empressée d’oublier ses promesses et de nommer Kacem-Ali-Khan çubah du Bengale. C’était avec les troupes de ce dernier qu’elle guerroyait contre l’empereur. On ne pouvait faire un usage plus profitable des millions de Mir-Djaffer-Khan que de les offrir aux principaux chefs de l’armée impériale. À la première rencontre, Law et ses cent cinquante Français restèrent seuls sur le champ de bataille et furent faits prisonniers.

Toutes les victoires anglaises dans l’Inde ont été, à peu d’exceptions près, emportées de cette façon, en payant des traîtres avec l’argent dérobé à d’autres traîtres.

Çah-Alam, contraint de se réfugier dans la nababie d’Audh, auprès de Çudja-A-Ed-Dulah, put éviter du moins, grâce à la perspicacité du nabab, le nouveau piége que lui tendaient ses ennemis, en refusant les secours offerts par le chef affghan, Abdallah-Ahmed, agent secret de Calcutta.

L’Inde française avait donc disparu tout entière. Elle ne devait renaître que pour mieux attester notre avilissement et perpétuer le souvenir de la haine satisfaite et du mépris mérité de l’Angleterre.

Cette Compagnie commerciale et politique, fondée par Colbert, disposant, dès l’origine de ressources bien supérieures à celles des autres nations européennes en Orient, élevée par Dupleix et Bussy au rang de puissance continentale, cessait d’exister après avoir sacrifié tour à tour, à ses jalousies misérables, à ses rancunes, à ses terreurs puériles, à son incapacité profonde, les grands hommes qui l’avaient illustrée. Elle entraînait dans sa chute une part considérable de la fortune pu-