Aller au contenu

Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/473

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE

CHEZ LES ANCIENS

À FRÉDÉRIC DE FLOTOW.

Vous souvient-il, mon ami, qu’au temps où vous habitiez Paris, alors que vous vous apprêtiez à faire jouer l’Âme en peine à l’Opéra, et que j’essayais mes premières plumes dans le journalisme, nous avions la manie de vouloir nous rendre compte de toutes choses ?

À nous entendre, nous évertuant sur les causes, dans cette petite chambre du boulevard Montmartre que Grisar vous avait ouverte en partant pour l’Italie, ou dans mon bouge de la rue Pagevin, en l’ancien hôtel des ducs de Choiseul, ou encore le long des boulevards, après minuit, on eût pu croire que nous étions certains d’avoir devant nous quatre siècles d’existence ! Aidés par nos muses, nous voulions, chacun, bâtir un monument superbe : à voir la profondeur des fondations, la largeur des assises, la circonférence de la base, on eût espéré pour vous et pour moi quelque œuvre prochaine équivalente, dans ses proportions babéléennes, à ces palais inouïs rêvés par Piranèse !…

Hélas ! — les artistes de foi, hommes de bonne volonté, desquels nous sommes, ont tous, dans ce genre d’appétits, et suivant un proverbe joli et trivial : « Plus grands yeux que grande panse. » Et puis, quoi ! ce qu’on fait, ce n’est jamais ce qu’on voulait faire, et ce qu’on voulait faire, ce n’est guère que l’imagination qui le fait.