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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/485

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CHRONIQUE.

Tant qu’il y aura un mois de Juin, on se souviendra de son nom. Pourquoi ne puis-je le discuter à l’aise, et dire ce qu’il y avait pour moi de force ou de grandeur, de faiblesse ou d’audace dans la tête, vide aujourd’hui, de ce capitaine tombé ? 11 ne m’est pas permis de toucher à ce mort illustre autrement que pour lire ses états de service, la date de sa naissance, le jour de son mariage, et l’heure de sa mort. Je gémis du silence qui m’est imposé, et je trouve aujourd’hui mon métier bien triste, non pas que je voulusse attaquer cette renommée disparue, à l’aide des trois lettres qui attachent le masque du chroniqueur. Il est des choses qu’on doit signer de son vrai nom, si grande soit votre obscurité, ou si profonde votre indifférence. Qu’y faire ? et pourquoi se plaindre ? Les revues littéraires ne peuvent ouvrir leurs colonnes aux écrivains passionnés, qu’emporte la colère ou l’amour, et l’on doit seulement jeter sur les tombes célèbres la feuille de laurier classique. Voici la mienne. — Et maintenant, voici en quinze lignes l’histoire de cette vie finie trop tôt, si toutefois on ne doit pas mourir, quand on n’a plus rien à faire de grand, et qu’on est descendu de son piédestal pour n’y plus jamais remonter. À vrai dire, j’ai peu de goût pour ces procès-verbaux volés au ministère de la guerre. Faire l’histoire de ses grades, compter les galons d’or de son képi ou les grains de ses épaulettes ; dire qu’il était brave comme son épée, la pauvre chose ! Il faudrait couper toutes les branches, dans les bois de lauriers, si l’on voulait tresser des couronnes à quiconque, du pays de France, sait se bien battre et bien mourir. Des généraux comme Cavaignac, il n’en manque pas : j’en vois encore qui gravissent les montagnes de la Kabylie ; j’en vois qui dorment sur la terre d’exil ! Mais le frère de Godefroy, le ministre d’avril, l’homme de juin !… Ils sont rares, les hommes qui pèsent d’une façon si inattendue, et si lourde, sur les destinées d’un pays. Allons, faisons notre métier, et que les curieux lisent leur histoire à ces Cavaignacs célèbres ; je ne ferai pas une réflexion. Je transcris les faits ; que.chacun les juge avec sa raison, invoque