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REVUE MUSICALE.

charmants. D’abord les couplets de Meillet qui sont pleins de couleur et de verve et parfaitement dans l’esprit du rôle ; ensuite les couplets dialogues de Mme Miolan et de M. Montjauze dont la phrase finale : Ça se trouve ici est d’une simplicité si délicate et si distinguée ; c’est une délicieuse page, une des meilleures de la partition, à notre avis et à celui de tout l’auditoire, qui a voulu l’entendre deux fois ; enfin le final si gracieusement mélancolique et si admirablement dit par Mme Miolan. Ce sont les adieux de Margot, une romance suivie de vocalises brodées sur un chœur à mi-voix et qui vont se perdant peu à peu dans le lointain ; ce decrescendo habilement ménagé est d’un effet pittoresque, irrésistible, et quand Margot, déjà bien loin, n’a plus pour accompagner son chant que les grelots de son attelage rustique, on se croit transporté au milieu des plus poétiques scènes de la vie des champs, on se sent ému, et la toile est déjà baissée qu’on écoute encore.

Dans le second acte il y a moins à louer et l’intérêt musical décroît parallèlement à l’intérêt dramatique jusqu’à la fiin de la pièce ; c’est là un défaut capital et pis encore, une maladresse dont les auteurs seraient infailliblement les victimes sans l’intervention libératrice de Mme Miolan. Les couplets et la romance du marquis, les couplets de Landriche, ceux de Jacquot, le duo de la séduction, chanté par le marquis et sa filleule, celui de Margot et de Jacquot qui vient plus loin, tout cela rentre dans l’appréciation générale qui précède notre analyse. Le langage des fleurs air de bravoure, écrit pour faire briller le talent de Mme Miolan sous toutes ses faces, renferme des passages fort bien étudiés ; nous y avons surtout remarqué un accompagnement de harpes et de violoncelles en sourdine sur lequel voltigent les variations les plus étincelantes, les trilles les mieux battus que l’on puisse entendre. Le final ne vaut pas certainement celui du premier acte ; ce qui y manque surtout, c’est l’expression dramatique qu’aurait comportée la situation et qui aurait fait un heureux contraste avec le sentiment de gaieté moqueuse fort bien traité par le compositeur.

Il y a aussi dans le troisième acte un grand air pour Me Miolan ; ce qu’on y admire surtout, c’est l’art merveilleux de la cantatrice. Les couplets de Mlle Girard ont été bissés ; mais ici encore, c’est à l’esprit et à la finesse de l’actrice que revient la plus grande part du succès.

Jules Regnier.