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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/511

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REVUE DES COURS PUBLICS.

sûr de l’approcher. Il avait le bras gauche en écharpe comme s’il était blessé. Domitien lit ; aussitôt Stephanus tire un poignard de l’écharpe où il était caché et en frappe Domitien. L’empereur furieux se précipite sur l’assassin, en invoquant Minerve, sa mère ; il se blesse en voulant arracher le poignard de Stephanus qu’il terrasse, s’efforce de lui crever les yeux, puis, le laisse pour aller quérir une arme et appeler à son secours. Le chambellan Parthénius tenait toutes les issues, il vient porter secours à Stephanus, avec quelques autres, et achève le tyran.

Outre l’enseignement politique qu’elle contient, l’histoire de Titus et de Domitien porte avec elle encore un enseignement philosophique. On croit trop à la fatalité des institutions, à l’enchaînement des causes et des effets qui commandent et déterminent la plupart du temps, dit-on, les actions humaines. L’empire a rendu Titus meilleur et Domitien plus méchant ; où l’un trouve son écueil, l’autre rencontre son salut :


Et celui-là périt par où l’autre est sauvé !


Il n’y a qu’un vrai mobile de nos actions, la liberté ; une seule règle pour les juger, la responsabilité morale. C’étaient là deux sentiments que Tacite connaissait quand il louait son beau-père, Agricola, le conquérant de la Grande Bretagne, d’avoir su préserver sa vie et sa mort de la tyrannie de Domitien, en lui opposant une modeste patience, plutôt encore qu’en l’affrontant par une mort ambitieuse et inutile : « Si tout n’est point fini avec le corps, s’écriait-il donc en terminant ce panégyrique avec autant de vérité que d’éloquence, et s’il est un séjour là-haut pour les grandes âmes, Agricola, élève-nous jusqu’à toi pour nous aider à contempler tes vertus. C’est en les méditant que j’ai essayé de t’élever un monument durable et digne de toi. Le marbre, l’airain, n’expriment que la beauté extérieure, qui passe, et leurs monuments sont périssables. Mais la beauté de l’âme, quand on peut la rendre avec les traits de ses vertus, elle est éternelle, forma mentis œterna ! » Éternelle comme cette beauté est aussi la leçon qu’elle laisse aux hommes pour leur faire bénir un règne comme celui de Titus, et pour les consoler, les relever, après un règne comme celui de Domitien !

L’empire romain, comme on voit, suscite de belles pages et des leçons bien faites. Il vient de donner lieu aussi à des recherches curieuses qu’il est bon de noter ici.

Panni les jeunes professeurs de province qui se distinguent par leurs écrits, comme d’autres par leurs leçons publiques, j’aime à citer M. Boissier, de Nîmes, qui vient de lire récemment un Mémoire à l’Institut sur la tragédie sous l’empire. La tragédie était dans tout son éclat sous Auguste. C’est par la représentation d’un chef-d’œuvre, le Thyeste de Varius, qu’il célébra l’anniversaire de sa victoire d’Actium. Le retour de la paix avait rendu plus vif le goût de$ lettres : c’était