Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/18

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aussi fidèlement qu’il l’a pu le fragment de Béroul qui nous est parvenu, et qui occupe à peu près le centre du récit. S’étant ainsi bien pénétré de l’esprit du vieux conteur, s’étant assimilé sa façon naïve de sentir, sa façon simple de penser, jusqu’à l’embarras parfois enfantin de son exposition et la grâce un peu gauche de son style, il a refait à ce tronc une tête et des membres, non pas par une juxtaposition mécanique, mais par une sorte de régénération organique, telle que nous la présentent ces animaux qui, mutilés, se complètent par leur force intime sur le plan de leur forme parfaite.

Ces régénérations réussissent, on le sait, d’autant mieux que l’organisme est moins arrêté et moins développé. C’était bien le cas pour Béroul. Il s’assimilait lui-même des éléments de toute provenance, parfois assez disparates, et dont la disparité ne le choquait ni ne le gênait, d’autant plus qu’il leur faisait souvent subir une sorte d’accommodation qui suffisait à leur donner une homogénéité superficielle. Le Béroul moderne a donc pu procéder