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Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/212

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tristes, charmait ses yeux et son cœur. Sur une table recouverte d’une pourpre noble et riche, on plaça son chien Petit-Crû. C’était un chien enchanté : il venait au duc de l’île d’Avallon ; une fée le lui avait envoyé comme un présent d’amour. Nul ne saurait par des paroles assez habiles décrire sa nature et sa beauté. Son poil était coloré de nuances si merveilleusement disposées que l’on ne savait nommer sa couleur ; son encolure semblait d’abord plus blanche que neige, sa croupe plus verte que feuille de trèfle, l’un de ses flancs rouge comme l’écarlate, l’autre jaune comme le safran, son ventre bleu comme le lapis-lazuli, son dos rosé ; mais quand on le regardait plus longtemps, toutes ces couleurs dansaient aux yeux et muaient, tour à tour blanches et vertes, jaunes, bleues, pourprées, sombres ou fraîches. Il portait au cou, suspendu à une chaînette d’or, un grelot au tintement si gai, si clair, si doux, qu’à l’ouïr le cœur de Tristan s’attendrit, s’apaisa, et que sa peine se fon-