Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/275

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passait de son taudis à la chambre de la reine.

Mais, après quelques jours écoulés, deux chambrières soupçonnèrent la fraude ; elles avertirent Andret, qui aposta devant les chambres des femmes trois espions bien armés. Quand Tristan voulut franchir la porte :

« Arrière, fou, crièrent-ils, retourne te coucher sur ta botte de paille !

— Eh quoi, beaux seigneurs, dit le fou, ne faut-il pas que j’aille ce soir embrasser la reine ? Ne savez-vous pas qu’elle m’aime et qu’elle m’attend ? »

Tristan brandit sa massue ; ils eurent peur et le laissèrent entrer. Il prit Iseut entre ses bras :

« Amie, il me faut fuir déjà, car bientôt je serais découvert. Il me faut fuir et jamais sans doute je ne reviendrai. Ma mort est prochaine : loin de vous, je mourrai de mon désir.

— Ami, ferme tes bras et accole-moi si étroitement que, dans cet embrassement, nos deux cœurs se rompent et nos âmes