— Je croyais… reprit le jeune homme en souriant bassement.
— Non, monsieur, vous ne croyiez pas. Ceci est un essai, mais il est malheureux.
Le jeune Tanbeau se leva furieux et disparut. C’était un neveu de l’académicien ami de madame de La Mole, il se destinait aux lettres. L’académicien avait obtenu que le marquis le prendrait pour secrétaire. Tanbeau qui travaillait dans une chambre écartée, ayant su la faveur dont Julien était l’objet, voulut la partager, et le matin il était venu établir son écritoire dans la bibliothèque.
À quatre heures Julien osa, après un peu d’hésitation, paraître chez le comte Norbert. Celui-ci allait monter à cheval, et fut embarrassé, car il était parfaitement poli.
— Je pense, dit-il à Julien, que bientôt vous irez au manège, et, après quelques semaines, je serai ravi de monter à cheval avec vous.
— Je voulais avoir l’honneur de vous remercier des bontés que vous avez eues pour moi ; croyez, monsieur, ajouta Julien, d’un air fort sérieux, que je sens tout ce que je vous dois. Si votre cheval n’est pas blessé par suite de ma maladresse d’hier, et s’il est libre, je désirerais le monter ce matin.
— Ma foi, mon cher Sorel, à vos risques et périls. Supposez que je vous ai fait toutes les objections que réclame la prudence ; le fait est qu’il est quatre heures, nous n’avons pas de temps à perdre.
Une fois qu’il fut à cheval : — Que faut-il faire pour ne pas tomber ? dit Julien au jeune comte.
— Bien des choses, répondit Norbert, en riant aux éclats : par exemple, tenir le corps en arrière.
Julien prit le grand trot. On était sur la place Louis XVI.
— Ah ! jeune téméraire, dit Norbert, il y a trop de voitures, et encore menées par des imprudents ! Une fois par terre, leurs tilburys vont vous passer sur le corps ; ils n’iront pas risquer de gâter la bouche de leur cheval, en l’arrêtant tout court.
Vingt fois Norbert vit Julien sur le point de tomber ; mais enfin