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XLII

Serait-ce un Danton ?.

Le besoin d’anxiété, tel était le caractère de la belle Marguerite de Valois ma tante qui bientôt épousa le roi de Navarre, que nous voyons de présent régner en France, sous le nom de Henry IV. Le besoin de jouer formait tout le secret du caractère de cette princesse aimable, de là ses brouilles et ses raccommodements avec ses frères dès l’âge de seize ans. Or que peut jouer une jeune fille ? Ce qu’elle a de plus précieux : sa réputation, la considération de toute sa vie.
Mémoires du duc d’Angoulème,
fils naturel de Charles IX.

Entre Julien et moi il n’y a point de signature de contrat, point de notaire ; tout est héroïque, tout sera fils du hasard. À la noblesse près qui lui manque, c’est l’amour de Marguerite de Valois pour le jeune La Mole, l’homme le plus distingué de son temps. Est-ce ma faute à moi si les jeunes gens de la Cour sont de si grands partisans du convenable, et pâlissent à la seule idée de la moindre aventure un peu singulière ? Un petit voyage en Grèce ou en Afrique est pour eux le comble de l’audace, et encore ne savent-ils marcher qu’en troupe. Dès qu’ils se voient seuls, ils ont peur, non de la lance du Bédouin, mais du ridicule, et cette peur les rend fous.

Mon petit Julien, au contraire, n’aime à agir que seul. Jamais, dans cet être privilégié, la moindre idée de chercher de l’appui et du secours dans les autres ! il méprise les autres ; c’est pour cela que je ne le méprise pas.

Si, avec sa pauvreté, Julien était noble, mon amour ne serait qu’une sottise vulgaire, une mésalliance plate ; je n’en voudrais pas ; il n’aurait point ce qui caractérise les grandes passions : l’immensité de la difficulté à vaincre et la noire incertitude de l’événement.

Mademoiselle de La Mole était si préoccupée de ces beaux