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LIII

Le Clergé, les Bois, la Liberté.

La première loi de tout être, c’est de se conserver, c’est de vivre. Vous semez de la ciguë et prétendez voir mûrir des épis !
Machiavel.

Le grave personnage continuait ; on voyait qu’il savait ; il exposait avec une éloquence douce et modérée, qui plut infiniment à Julien, ces grandes vérités :

1o L’Angleterre n’a pas une guinée à notre service ; l’économie et Hume y sont à la mode. Les Saints même ne nous donneront pas d’argent, et M. Brougham se moquera de nous.

2o Impossible d’obtenir plus de deux campagnes des rois de l’Europe, sans l’or anglais ; et deux campagnes ne suffiront pas contre la petite bourgeoisie.

3o Nécessité de former un parti armé en France, sans quoi le principe monarchique d’Europe ne hasardera pas même ces deux campagnes.

Le quatrième point que j’ose vous proposer comme évident est celui-ci :

Impossibilité de former un parti armé en France sans le clergé. Je vous le dis hardiment, parce que je vais vous le prouver, messieurs. Il faut tout donner au clergé.

1o Parce que s’occupant de son affaire nuit et jour, et guidé par des hommes de haute capacité établis loin des orages à trois cents lieues de vos frontières…

— Ah ! Rome, Rome ! s’écria le maître de la maison…

— Oui, monsieur, Rome ! reprit le cardinal avec fierté. Quelles que soient les plaisanteries plus ou moins ingénieuses qui furent à la mode quand vous étiez jeune, je dirai hautement, en 1830, que le clergé, guidé par Rome, parle seul au petit peuple.

Cinquante mille prêtres répètent les mêmes paroles au jour indiqué par les chefs, et le peuple, qui, après tout, fournit les