précepteur, vos enfants, eussent fait les mêmes progrès qu’avec moi ? Si vous répondez que non, continua Julien, sans laisser à M. de Rênal le temps de parler, comment osez-vous m’adresser le reproche que je les néglige ?
M. de Rênal, à peine remis de sa peur, conclut du ton étrange qu’il voyait prendre à ce petit paysan, qu’il avait en poche quelque proposition avantageuse, et qu’il allait le quitter. La colère de Julien s’augmentant à mesure qu’il parlait :
— Je puis vivre sans vous, monsieur, ajouta-t-il.
— Je suis vraiment fâché de vous voir si agité, répondit M. de Rênal, en balbutiant un peu. Les domestiques étaient à dix pas occupés à arranger les lits.
— Ce n’est pas ce qu’il me faut, monsieur, reprit Julien hors de lui ; songez à l’infamie des paroles que vous m’avez adressées, et devant des femmes encore !
M. de Rênal ne comprenait que trop ce que demandait Julien, et un pénible combat déchirait son âme. Il arriva que Julien effectivement fou de colère, s’écria :
— Je sais où aller, monsieur, en sortant de chez vous.
À ce mot, M. de Rênal vit Julien installé chez M. Valenod.
— Eh bien ! monsieur, lui dit-il enfin avec un soupir et de l’air dont il eût appelé le chirurgien pour l’opération la plus douloureuse, j’accède à votre demande. À compter d’après-demain, qui est le premier du mois, je vous donne cinquante francs par mois.
Julien eut envie de rire et resta stupéfait : toute sa colère avait disparu.
Je ne méprisais pas assez l’animal ! se dit-il. Voilà sans doute la plus grande excuse que puisse faire une âme aussi basse.
Les enfants qui écoutaient cette scène bouche béante, coururent au jardin, dire à leur mère que M. Julien était bien en colère, mais qu’il allait avoir cinquante livres par mois.
Julien les suivit par habitude, sans même regarder M. de Rênal, qu’il laissa profondément irrité.
Voilà cent soixante-huit francs, se disait le maire, que me coûte M. Valenod. Il faut absolument que je lui dise deux