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Page:Le Roy - La Revanche du prolétariat, 1885.djvu/14

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À ce sujet, que penser de la condamnation de Louise Michel, cette vaillante entre les vaillantes, cette Jeanne d’Arc socialiste, dont le peuple gardera le souvenir ?

Vit-on jamais semblable audace : conduire, paraît-il, sous les plis du drapeau noir, une colonne d’affamés, réclamant du travail ou du pain, au sac d’une boulangerie réactionnaire ?

En vérité, toutes les foudres mêmes d’un Q. de Beaurepaire n’atteindront jamais à la hauteur d’un pareil « forfait. »

Nos dirigeants, qui ne pillent pas de boulangeries, se contentant de mettre la main dans les caisses publiques, alimentées par ces meurt-de-faim qu’ils traquent, emprisonnent et déportent, nos dirigeants ignorent-ils donc le proverbe russe :

« Quand le pope a faim, il vole comme le moujik »[1] ?

Si la bourgeoisie est assez ignorante pour croire que si tout le monde mangeait à sa faim, elle, bourgeoisie, manquerait de quelque chose, c’est tant pis pour elle ; c’est une preuve de plus qu’elle doit disparaître comme classe dominante. Si elle ne peut comprendre que dans chaque coin de la terre il y a des forces incalculables à mettre en mouvement, nous n’y pouvons rien ; mais est-ce à dire que nous devons éternellement subir son crétinisme ?

S’agit-il de la construction de chemins de fer ou de l’exploitation de forces motrices qui devraient servir à soulager ceux qu’elle contraint à peiner longuement pour la nourrir, elle temporise. Mais, s’agit-il d’envoyer dans des contrées lointaines des frères massacrer leurs frères, oh ! alors, elle n’hésite plus, la question est sérieuse : Il faut ouvrir un nouveau débouché à son commerce !

Brigandage commercial et brigandage militaire se valent : le premier, où domine la fraude, est-il plus honorable que le second, où domine la violence ?

  1. Un philosophe italien, Beccaria, l’auteur du célèbre Traité des délits et des peines, ne craignait pas de dire au siècle dernier :

    « Le vol n’est d’ordinaire qu’un délit de la misère et du désespoir, le délit de cette partie infortunée des hommes à qui le droit de propriété, droit terrible et non nécessaire peut-être, n’a laissé qu’une existence dépourvue de tout. »