phénomènes idéalistes ou idéologiques. Marx va plus loin. La réalité humaine, c’est encore trop abstrait, trop idéaliste. Il faut chercher plus profondément dans cette réalité humaine. Il faut chercher quelle est cette réalité humaine. Et vous verrez ensuite quelle était la réponse de Marx. Mais la philosophie Feuerbachienne était une étape nécessaire, parce qu’elle détournait Marx de l’idéalisme pour le rapprocher de la réalité, humaine d’abord, objective, matérielle ensuite.
Le premier écrit publié de Marx est une brochure, ou plutôt un pamphlet à propos de la censure. Ici aussi, je vais vous lire en entier pour vous donner au moins une idée générale du style de Marx, qui était déjà, à cette époque, en 1842, très original. Marx combat la censure, La censure, vous le savez, est l’arme la plus redoutable de tout régime despotique. Marx critique la loi prussienne qui, hypocritement, prétend donner la liberté de la presse, mais en la limitant par ce qui est convenable. Voilà ce qu’écrit Marx dans sa première publication :
« La vérité a un caractère général. Elle ne m’appartient pas. Je lui appartiens. La forme fait partie de mon moi. Elle compose mon individualité. Le style c’est l’homme (en français, dans le texte). Comment ! La loi m’autorise à écrire, mais elle exige que j’écrive dans un autre style que le mien ! J’ai le droit de montrer ma physionomie, mais je dois la montrer sous des traits prescrits par le règlement. Quel homme d’honneur ne rougirait pas à l’idée de se soumettre à cette contrainte et ne préférerait voiler sa face dans sa toge ? Au moins la toge fait supposer une tête de Jupiter. Les traits prescrits par le règlement signifient : bonne mine à mauvais jeu (en français, dans le texte). Vous ne prescrivez pas à la rose l’odeur de la violette. Mais ce qui est le plus sublime, l’esprit est condamné à n’avoir qu’une seule façon ! J’ai l’esprit humoristique. La loi me prescrit de l’avoir sérieux. Je suis téméraire, mais la loi m’ordonne d’être modeste. Le gris-gris est la seule couleur de la liberté. Chaque gouttelette de rosée reflète le soleil avec des couleurs innombrables ! seul le soleil de l’esprit, en se reflétant chez les individualités diverses, n’a droit qu’à une seule couleur officielle. La forme essentielle de l’esprit est de la gaîté, de la lumière. Et vous rendez l’ombre la seule forme
