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Page:Le Songe de Poliphile - trad. Popelin - tome 1.pdf/426

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l’arbre se répandait au dehors ; mais, dès que les roues s’arrêtaient, le tournoiement cessait. Cela me fit supposer qu’une poulie, recevant son mouvement d’une des roues, rencontrait un autre engrenage vers la tige tournante, ce qui la faisait mouvoir avec le vase fixé dessus. Quant aux roues du char, elles étaient recouvertes par un tablier en forme d’ailes éployées de part et d’autre, et orné de Scylles. Cette admirable machine mouillait les mains et le visage des personnes devant lesquelles on la faisait rouler, d’une rosée incroyablement parfumée ; et lorsque nous nous en frottions les mains, il se dégageait une odeur si bonne que je n’en sentis jamais de pareille. Les jeunes filles nous la dispensaient libéralement et fort à propos. Or donc, après que nous fûmes aspergés de cette eau si odorante, les servantes de la maison, avec une singulière bonne grâce, nous présentèrent une coupe d’or dans laquelle la souveraine Princesse, après nous avoir tous salués avec une affabilité particulière, but le doux nectar, puis, tous en ordre, l’un avec l’autre, après des politesses, des révérences courtoises et mutuelles, nous bûmes solennellement. Ce fut la clôture parfaite, le cachet final de toutes les grâces reçues et du festin exquis.

Enfin toutes les fleurs odoriférantes furent soigneusement balayées et ramassées, tous les reliefs furent emportés. Le pavé demeura propre et luisant autant que la surface d’un miroir très-poli, entre toutes ces belles choses environnantes faisant concurrence aux brillantes pierreries. Alors la nymphe à la fontaine s’en fut. Aussitôt la magnanime et haute Reine commanda qu’un chœur de ballet inusité fût donné sur les carrés en jaspe, polis et finis avec un art suprême et d’un éclat tel qu’on ne vit et qu’on n’imagina jamais rien de semblable chez les mortels.