Page:Le Stylet en langue de carpe.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

épaules et sous les jarrets, puis je la porte très lentement sur mon lit

Lorsque je la regarde étendue, avec ce nez pincé et la bouche sans couleur des cadavres, je reste encore une minute sans savoir quoi faire. Il me semble que le moindre geste va finir son destin, et je retiens mon souffle, comme si ce seul mouvement de mon thorax courait le risque de la faire mourir. Pourtant, il faut sortir de cette stupeur imbécile. Je me décide à la déshabiller.

Quelle besogne, Seigneur ! J’en garde, à l’évoquer, un agacement dans les mains et une horreur glacée entre les épaules. Mais ne faut-il pas que le médecin la trouve couchée normalement et non pas avec cet aspect défait, dans son costume de ville, qui sent à plein nez le drame, voire l’erreur judiciaire ?

J’arrive enfin à mettre nu ce corps sans vie dont il me semble que la chair se refroidit à chaque contact involontaire de mes doigts agacés. Avec des précautions puériles et désespérées, je fais sur la plaie rose un