Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/14

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8 LE SYLPHE L'AIGLE — Dans l'azur éternel, quand l'aigle ouvre ses ailes, Il plane, magnifique, en face du soleil. Et comptant les splendeurs qui l'attirent vers elles, D'un regard dédaigneux, il toise les plus belles Et tourne dans sa gloire, ivre de son réveil. Car, durant tout l'hiver, dans l'aire inaccessible, L'oiseau de Dieu béni s'endormait lâchement : Les tempêtes du ciel le trouvaient impassible, Et les vils animaux riaient de ce terrible Qui s'anéantissait dans son isolement Mais l'hiver est fini : voici les hirondelles, Car le premier rayon a souri dans les cieux; Elles viennent à lui, n'étant plus infidèles, Et l'on entend là-haut de longs battements d'ailes Qui semblent provoquer les éclairs de ses yeux. O spectacle! l'oiseau se réveille, sublime! Sur le gouffre farouche, il se penche à demi; Son bec d'acier reluit au-dessus de l'abîme, Et son premier regard monte à la haute cime Où le soleil levant l'attend comme un ami! Ah! pense-t-il, je veux affronter la tempête. . . Lui sans moi sur le mont! oh! comment se fait-il Que les deux rois rivaux qui planaient tête à tête, L'un sans l'autre aujourd'hui touchent le même faîte? Croit-il que mon sommeil ne soit plus qu'un exil? Alors se rappelant ses prouesses passées, L'aigle irrité, d'un bond s'élance vers les cieux. La flamme de son œil dévoile ses pensées; Il monte et, refaisant ses courses insensées, Il arrive au soleil comme un victorieux!