Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/252

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54 . LE SYLPHE UNE BELLE VISITE AU CHAMP-DE-MARS Le ciel de Valence et les jolis alentours de notre ville, dans leur charmante intuition, avaient deviné, assurément, qu'ils devaient se mettre en décors de fête, pour saluer un hôte illustre, car, en cette journée-là, rien n'était délicieux à voir comme le paysage étendu mollement aux pieds de notre Champ-de-Mars. Les loin tains étaient estompés dans une transparence radieuse; la vallée semblait être à son premier éclat de printemps, et le Rhône, si beau dans sa majestueuse course, et ces montagnes de l'Ardèche si originales, cet escarpement si peu banal qui rappelle les d'Acier- Crussol, cette verdure toute frissonnante de plaisir sous un léger vent du Nord, tout cela composait un ensemble de sérénité et de poésie. Deux promeneurs arrivaient, en cet instant, sur la vaste espla nade connue sous le nom du général dauphinois dont l'épée avait servi la France et triomphé à Naples. L'un était un voyageur de haute taille, svelte et d'une grande distinction ; l'autre avait des dehors qui n'étaient puint vulgaires. Arrivé près du parapet de cette sorte de terrasse dominant le voisinage du fleuve, le premier avait ôté son chapeau pour laisser venir, jusque sur son grand front, l'air pur qui s'exhalait de la suave vallée du Rhône, ce qui permettait de voir sa figure dans toute son expression d'intelli gence, dans toute sa noblesse innée. Le profil était d'une correction de lignes bien remarquable; le regard, d'un bleu profond, avait l'air méditatif et imposant tout à la fois. Il y avait" en lui, dans sa physionomie et dans sa prestance, un je ne sais quoi révélant une nature supérieure habituée à régner, non, peut-être, avec le sceptre, mais avec l'ascendant d'une âme élevée, qu'elle se servit de la plume comme écrivain, ou de la parole comme orateur. Qui sait ? Il avait, peut-être, sauvé la France de l'anarchie avec un cri sublime!... Enfin, un observateur eût deviné et admiré ce type de barde. Ce n'était point la beauté hardie, puissante et orageuse de lord Byron; ce n'était pas davantage la tête blonde, un peu féminine, d'Alfred de Musset; c'était quelque chose de dissemblable, un visage plus doux que celui de Child-Harold, plus ferme que celui de Rolla. Il était digne de la statuaire. Devant la gracieuse perspective qui se déroulait en face de notre promenade favorite et dans les environs du Rhône superbe, le