Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/287

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LE SYLPHE REVUE DES ÉCRIVAINS DAUPHINOIS. ARNAUD DE MARVEIL A Alix Moussé. Il est dans la littérature française des temps anciens, une vaillante pléiade d'auteurs trop ignorés, et que les érudits sont souvent seuls à connaître. On se contente trop volontiers de ne savoir que leur nom sans attacher grande importance à leurs écrits; à ces pièces mignonnes et fugitives d'une poésie d'antan, dans lesquelles ils contaient avec une sincérité naïve et pleine de charmes les ennuis, voire même les sanglots de leur cueur don- lorisé ou les illusions brillantes de leur vie souvent précaire de troubadours. J'avoue que parmi tous ces auteurs de chansons délicieuses, ce n'est pas aux princes, ni aux gentilshommes que je m'attache le plus volontiers, mais bien à ces humbles et obscurs vassaux qui, par leurs strophes harmonieuses et leurs chants dolents, se con solaient d'une condition dont ils ne pouvaient même pas songer à se plaindre. A côté de Guillaume de Poitiers, de Geoffroy Rudel, de Bertram de Born, de Raoul de Courcy, j'admire surtout Arnaud de Marveil, Bernard de Ventadour ou Audefroy. Arnaud de Marvoil (ou Marveilles) entre autres a su donner à sa poésie un charme naturel et inimitable que vient encore rehausser la douce mélodie de son langage sonore et ensoleillé. Chez lui, la musique ne tient pas lieu de sentiments et de pensées, car il est trop personnel pour ne pas être sincère dans les élans de sa passion. Pauvre serf du vicomte de Béziers, au lieu de rester attaché à la glèbe et courbé sous le joug du seigneur, il osa lever les yeux vers Yen haut où il apercevait peut-être comme un rayon de liberté future auréolant la blonde tête de la noble fille de Raymond V. Aux accents de sa propre lyre, sa seule et fidèle confidente, il oublie la tristesse de cette dure et pauvre vie, mais il ne peut guère chanter que des illusions, car son amour trop hardi sera malheureusement réduit à vivre comme tant d'autres de beaucoup d'illusions, et de peu d'espérance. 1er Volume. — 12e Livr.