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LAISSE-MOI T’AIMER.


Enfin, que ma pensée orageuse ou calmée,
Se dévoile riante ou s’enferme alarmée,
Comme on voit la cigale au front tremblant des blés,
Craintive, au moindre bruit tarir ses chants troublés,
Toujours teinte de ton image
C’est l’eau qui tremble et joue en mirant ton amour ;
Et si pour d’autres yeux, tes yeux ont un hommage,
C’est l’eau, l’eau sans reflets qu’abandonne le jour !

Toi ! me hais-tu ? Dis vrai ? t’ai-je offensé, mon ame ?
Dis ? quelque mot amer dans un pli de ton cœur,
Parle-t-il contre moi ta sœur, ta faible femme ?
Oh ! parle ! as-tu jamais compris une autre sœur ?

Non… J’ai froid d’y penser, tendresse inexprimable !
Ignores-en toujours les effrois douloureux :
Ne prends de mon amour que ce qu’il a d’aimable,
Et ne garde du tien que ce qui rend heureux !

Mais laisse-moi t’aimer ! Laisse-moi vivre encore !
Laisse ton nom sur moi, comme un rayon d’espoir ;
Mais dans le mot demain, laisse-moi t’entrevoir,
Et si j’ai d’autres jours, viens me les faire éclore.


Marceline Valmore.


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