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LE 14 JUILLET

LUCILE.

Tout cela… C’est toi qui as fait tout cela… ce beau charivari !

CAMILLE.

Je n’y crois pas moi-même !…

LUCILE.

Et tout cela avec un discours ! Comment est-ce que tu as fait ? On m’a dit que tout le monde était hors de soi, en t’écoutant. Que j’aurais voulu être là !

CAMILLE.

Je ne sais pas ce que j’ai dit. Je me sentais soulevé de terre. J’entendais ma voix et je voyais mes gestes, comme si s’était un autre qui parlait. Tout le monde pleurait, et je pleurais comme les autres. À la fin, ils m’ont porté sur leurs épaules. On n’a jamais rien vu de pareil.

LUCILE.

Mon grand homme, mon Patru, mon Démosthène ! — Et tu as pu parler à toute une foule qui te regardait ? Et tu ne t’es pas troublé ? Tu n’as pas perdu la mémoire ? Tu n’a pas fait, comme tu fais quelquefois ?…

CAMILLE.

Quoi donc ?

LUCILE.

Tu sais bien… comme un flacon trop plein, d’où l’eau ne peut sortir… Elle rit.

CAMILLE.

Mauvaise ! Te voilà contente de ta méchanceté ! Tu montres tes petites dents, comme un chat.

LUCILE, riant.

Mais non, je te dis, je t’aime ; je t’aime comme tu es. Je te cherche des défauts, je les trouve, et je les aime. Ne sois pas fâché. Hon-hon, j’aime ton bégaiement, je t’assure, je m’essaie à parler comme cela maintenant

Ils rient tous les deux.