Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/135

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Du vieux château bâti sur le roc granitique,
Dans cette salle d’arme où tu causais le soir,
On dit tout bas : C’est là que Gautier vint s’asseoir.
Car nos vieux troubadours ont tressailli naguère,
Lorsque tu parcourais l’Auvergne, avant la guerre,
Et que tes yeux lisaient dans notre ciel d’azur.
Enivré de parfums, de lumière et d’air pur,
Écoutant les chansons naïves des faneuses.
Tu marchais à travers nos plaines sablonneuses,
Comme les Dieux, exempt d’espoir et de souci.
Sur les sommets du Puy-de-Dôme et du Sancy,
Nous avons contemplé ta tête sculpturale.
Tu vis Clermont avec sa vieille cathédrale,
Clermont où dort Desaix à côté de Pascal.
Puis saluant Lezoux d’un sourire amical,
Tu vis se dérouler aux pieds de la montagne
La Varenne fleurie et la blonde Limagne.
Tu vis Thiers, ville noire et ses noirs habitants,
Et ce pays où s’est écoulé mon printemps.
Pays cher à mon cœur, avec sa tour du More
Et ses cours d’eau plaintifs, la Dore et la Dolore.

J’espérais voir un jour, ô peintre sans rival.
Après l’Espagne, après le monde oriental.
Dans un de ces tableaux tracés de main de maître,
Mon Auvergne vivante et joyeuse apparaître.
Avec ses châteaux-forts pleins de vieux souvenirs,
Ses horizons frangés de pourpre et de saphirs.
Ses moissons, ses volcans et ses neiges sans tache.