Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/56

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Artiste heureux, fais-tu dans un coin de l’azur,
          Gouverné par ta fantaisie,
Surgir une cité, toute de marbre pur
          Comme ta blanche poésie,

Cité plus radieuse et mieux rhythmée encor
          Que Constantinople ou Venise,
Où les yeux à jamais ivres de pourpre et d’or
          Ignoreront la couleur grise ?

Ou bien présides-tu, sous un autre soleil
          D’où sans fin coule l’harmonie,
Un astre plus aimant, plus jeune, plus vermeil,
          Plus hospitalier au génie ?

Sur un monde idéal, maître, n’erres-tu pas
          Parmi de fières patriciennes.
Belles, comme autrefois les voyaient ici-bas
          Les étoiles des nuits anciennes ?

Car tu l’as mérité, cet éden inconnu,
          Ce paradis de belles formes.
Songeur aux rêves purs, pour être ainsi venu
          Dans ce temps de laideurs énormes !

H. CAZALIS.