214 LE TOUR DU MONRHE.
que Yun-Chou, Chun-Ning-Fou et Meng-Hua-Ting. Nous marchons d’autant plus vite que nous sentons notre troupe désagrégée, et que, d’un antre eôté, je suis très fatigué par une diarrhée chronique qui névessite des soins et du repos. Enfin, dans l’après-midi du 26 mai, une rude ascension nous conduit en haut d’un col-de 2 600 mètres : brusquement la plaine et le lac de Ta-Li nous apparaissent, et mes yeux de marin sont réjouis par la vue de cette nappe bleue, eneadrée de montagnes, qui me rappelle des coins de Méditerranée, Le Prince et moi prenons les devants, nous hâtant vers la ville, où nous attend un repos bien gagné par 1700 kilomètres d’exploration, dont plus de 1300 entiérement nouveaux : mais la route est longue et nous ne franchissons qu’à 7 heures et demie la porte sud, dont un des lourds battants est déjà fermé, IT fait nuit noire, et nous allons à tâtons par les rues boueuses ; nos hommes demandent la maison du missionnaire français, mais ils s’expli- quent si mal, sans doute, qu’on nous conduit droit chez le pasteur anglican. Sa femme et sa belle-sanr, habillées en Chinoises, viennent nous ouvrir, après un léger mouvement de reeul, devant notre barbe ineulte et nos vêtements, qu’un mineur dédaignerait de porter, Elles ont l’amabilité de nous donner un guide. Pendant les quelques minutes qu’a duré notre colloque, nos mafous sont restés bouche bée devant ces femmes européennes : nos trois mulets en ont profité pour filer, et, quand on les retrouve, la moitié d’une charge, qui se compose préei- sément de mon lit, a disparu comme par enchantement, Enfin nous arrivons chez le Père Le Guileher, vieux missionnaire breton, depuis quarant-cinq ans au Yun-Nan :; en lui et chez lui nous retrouvons un eoin de la France, et, jusqu’à une heure avancée de la nuit nous causons de la patrie si lointaine.
I faut se représenter la plaine de Ta-Li comme une longue bande étroite en forme de fer à cheval, hmitée à l’est par Les eaux du lae Erhaï et à l’ouest par les pentes rapides des monts Tsang, que les neiges couronnent pendant huit mois de l’année. Aux extrémités nord et sud, les contreforts des montagnes descendent jusqu’au lac, et deux épaisses murailles fortifiées achèvent de barrer complètement l’accès de la plaine, En deçà de ces murailles et à les toucher, se trouvent les deux bourgs de Chan-Kouan et Ghia-Kouan (Porte d’En Haut et Porte d’En Bas) ; ce dernier, de beaucoup le plus considérable, a une population de 3000 habitants, et une grande impor- lance, due à sa position avantageuse au croisement des trois grandes routes de Birmanie, de Meng-Hua-Ting et de Yun-Nan-Sen. Pour tous les articles nécessaires aux caravanes, c’est à Chia-Konan plutôt qu’à Ta-Li qu’on doit s’approvisionner,
Bien que la ville de Ta-Li soit fort déchue depuis la révolte musulmane, elle compte encore 20000 habitants. et reste une sorte de capitale pour l’ouest de la province, Son développement futur dépend de celui du commerce, maintenant protégé, que la Chine fait avee la Birmanie, et qui suit à peu près exclusivement la route, pourtant bien pénible, de Ta-Li à Bhamo, Mais on parle d’une voie ferrée projetée, et même commencée, par les Anglais, qui, partant de Mandalay et passant à travers les Etats Chans, aboutirait au bac de Koun-Long sur la Salouen, à hauteur de Mien-Ning, qui bénéficierait alors de la plus grande partie du transit, tandis que l’ancienne route serait peut à peu abandonnée, Ce serait un triste sort pour cette voie, qui porte encore le nom pompeux de route des Ambassadeurs, en souvenir du temps où de brillants comtèges la suivaient, allant porter à l’empereur de Chine les hommages et les présents de son vassal de Birmanie,
Tous les ans, pendant la troisième lune, se Gent iei une grande foire à laquelle se rendent des marchands de plusieurs provinces de Chine et même du Thibet : aussi trouve-1-on en toute saison dans les boutiques de Ta-Li beaucoup d’articles de provenance lointaine, entre autres de grands approvisionnements de peaux, de fourrures et d’étolles de laine multicolores venues des froides régions de l’Asie Centrale : chez les orfèvres de la grande rue, je revois ces bijoux d’argent, que des artistes de Canton ont colorés en blen en collant sur le métal une quantité
UN OMN DE LAC DE TA-LI-FOU. — MESSIN DE GOTORBE