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Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 05b.djvu/7

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302 LE TOUR DU MONDE.

flanzane !. Donc, le 2 juin, par un bel après-midi d’automne, nous quittons Tananarive au milieu d’une foule immense d’indigènes qui, rangés sur les côtés des rues jusqu’aux dernières maisons de la ville, acelament le général à son passage, chantant, battant des mains en cadence suivant la coutume malgache.

Un nombre considérable de colons, de fonctionnaires, d’officiers, ont tenu à accompagner le général. Mais déjà, les bourjanes accélérant l’allure, le nombreux cortège défile au grand pas gymnastique entre les haies pressées de la foule des indigènes chantant, applaudissant, criant au milieu du brouhaha des bourjanes et de la cohue des filanzanes qui s’atteignent, se dépassent, se croisent, s’entre-croisent,se poussent, se heurtent, se choquent, ou parfois s’arrêtent brusquement au détriment de l’équilibre du voyageur prudemment eramponné aux brancards, à travers les lazzis des porteurs qui, pressés, tiraillés, rejetés, bousculés, souvent même tamponnés par le filanzane qui les suit, ne perdent pas pour si peu leur bonne humeur ni leur entrain. C’est une véritable course folle de chevaux échappés. Chaque équipe veut en effet que son vazaha ? soit au premier rang et n’a pas de cesse qu’elle n’y soit arrivée, jouant des coudes ou se glissant, se faufilant, s’intercalant, chevauchant même à demi sur les filanzanes voisins ou même fréquemment descendant dans le fossé, le plus souvent, il est vrai, involontairement. Ni la chaleur, ni la poussière, ri l’encombrement, ni la bouseulade, niles «#n20ra, m6ra »° répétés sur tous les tons, ni les objurgations désespérées du vazaha n’y peuvent rien. A la fin, celui-ci résigné, impuissant, mais solidement fixé aux brancards, prend le parti de s’abandonner entièrement à la grâce de Dieu et à l’habileté de ses bourjanes au milieu de ce flot himain que ne retient plus nulle digue, et à La vérité c’est ce qu’il y a de mieux à faire, car s’il ÿ a quelques horions à recevoir, le brave bourjane les prend à son compte et le vazaha en sort toujours indemne.

Race précieuse que ce bourjane, honnête, dévoué et infatigable, qui avec son chapeau de paille, sa chemise en rabane et sa cuiller dans le dos, parcourt la grande ile dans tous les sens en des randonnées fantastiques sous tous les climats, plateaux glacés des hautes régions, ou terres brülantes du Bouéui et du Betsiriry, par tous les temps et sous toutes les intempéries, au milieu des rafales violentes qui balaient éternellement les plateaux, comme à travers les orages épouvantables qui, pendant l’hivernage, fondent sur les sommets ou grondent avec fracas dans les gorges, jetant sur le pays la foudre et le déluge. Au milieu de tout cela, l’humble bourjane, enfant perdu dans l’immensité de la grande île, transporte fidèlement, sur n’importe quel point et par n’importe quel teraps, le blanc qui s’est confié à lui, vivant de quelques centimes de riz ou de racines arrosées d’eau claire et couchant le plus souvent à La belle étoile, sans autre literie que le sol durci par le soleil ou détrempé par la pluie. Aujourd’hui, c’est pour un voyage de plus de quatre mois, sur terre et sur mer, à travers des régions

inconnues que ces bourjanes partent gais, pleins

D d’entrain, insouciants du lendemain et n’ayant

pour tout effet, de rechange ou autre, que le

complet que nous avons dit plus haut :

chapeau de paille et chemise de rabanc.

N’est-ce pas là la chemise de l’homme

heureux de je ne sais plus quel

conte ? Cependant nous arrivons

aux dernières maisons du village

d’Andohatapenaka, faubourg

extrême de T’ananarive. Un grand

nombre de colons et de fonction-

naires prennent alors congé du

général, qui les remercie et leur

serre la main en leur disant adieu.

Puis nous nous engageons sur la

longue digue qui borde la rive droite de

l’Ikopa. Une heure après, nous atteignons

la limite du secteur d’Ambohidratrimo, que marque un arc de triomphe et où le général se sépare des derniers officiers et fonctionnaires qui l’ont accompagné. Le temps est superbe, et tandis que le soleil lentement disparaît à lhorizon dans un lit de pourpre et d’or, la brise du soir, douce, pure, vivifiante, s’élève et vient nous caresser le visage. Les habitants des localités voisines, accourus en foule sur le passage du général forment, avec ceux d’Ambohi-










VUE B’AMLOINLIDRATRIMO.

D’APRÈS UNE PHOTOGRAPIRE DE M. NEVIÈRE,

1. On sait que le filinzane n’est autre chose qu’une chaise à porteurs, un siège à dossier fixé entre deux braneards don les extrémités reposent sur les épaules de quatre indigénes. Ces porteurs ainsi qie ceux des bagages sont appelés hourjanes. Pour de longs trajets on affecte à ‘haque filanzane deux où méme trois équipes de quatre porteurs qui se relaient à leur guise.

2. Son blanc, son Européen.

La]

3. Dourement, doucement.