SAINT-GUILHEM-LE-DÉSERT[1]
aint-Guilhem-le-Désert ! un nom étrange, un pays plus étrange encore.
Un pays romantique à la fois, et africain, comme son nom ; un désert, non
pas de sable, mais de pierre, de marmoréenne pierre blanche, éblouissante
sous du ciel bleu sombre ; une rivière glauque entre des rocs pâles, déchiquetés,
qui semblent des ossements ; des oliviers aux feuilles d’argent, des
grenadiers aux fleurs de pourpre ; de fantastiques montagnes aux droites
falaises, avec des à-pic de deux ou trois cents mètres ; un village aux
maisons voûtées et aux toits plats. Et, tout d’abord, nous sommes en
France. Terre merveilleuse en vérité que cette terre de France,
réunissant en elle tant de climats et tant d’aspects : prairies de Normandie,
noirs volcans éteints de l’Auvergne, dunes de sable de la mer du
Nord, glaciers de la Savoie, brumes grises de l’Armorique, et pierres
torrides de Saint-Guilhem-le-Désert, qui, de tous ces aspects divers, nous
donne sans contredit un des plus étonnants et des plus curieux. Des rives
plates de la Méditerranée, où de Narbonne à Aigues-Mortes grouillent les
moustiques sur un chapelet d’étangs, une large plaine d’alluvions, fertile,
baignée de soleil, et que la vigne emplit à perte de vue d’un océan de verdure,
monte lentement vers une ligne de montagnes blafardes qui se profilent au loin,
fermant l’horizon. Dans cette plaine coule, majestueuse et large, baignant
Pézenas, la rivière Hérault (on écrivait autrefois Erau ; singulier exemple d’un
mot dont l’orthographe, au lieu de se simplifier, s’est compliquée au contraire).
- ↑ Voyage exécuté en 1897. — Texte inédit. — Dessins d’après des photographies exécutées par l’auteur.