partie qui masquait le tir de nos canons — les trous de mine se voient encore distinctement dans le rocher. La grève est recouverte d’une épaisse mousse spongieuse émaillée de fraisiers. C’est dans ce terrain marécageux que les Anglais établirent, non sans peine, leurs tranchées.
Le port recèle encore les débris de nos 11 vaisseaux de guerre ; l’emplacement de l’un d’entre eux, armé de 18 canons, a été récemment relevé et l’on en a même retiré 2 pièces qui ornent actuellement l’entrée de la gare. Les reliques, d’ailleurs, sont abondantes à Louisbourg, et les quelques pêcheurs qui habitent sur les bords du havre désert font en été un commerce assez lucratif en vendant aux étrangers des éclats de bombes et autres débris que chaque coup de pioche fait, pour ainsi dire, jaillir du sol.
En 1895, la société anglo-américaine des guerres coloniales, uniquement composée des descendants de ceux qui y prirent part, a fait ériger devant la principale entrée de l’ancienne forteresse une colonne commémorative du siège de 1745, et l’on frappa une médaille, à cette occasion, avec le bronze d’un canon français retiré du port. Un vieux pêcheur louisbourgeois, Irlandais d’origine, nommé Patrick Kennedy, ou plus familièrement « Pat », s’est constitué, on pourrait presque dire pour le plaisir, le cicerone attitré de cette cité dolente dont il connaît l’histoire de la plus étonnante façon ; il possède même, dans sa cabane, une bibliothèque spéciale très complète et une série de plans de la ville qu’il illustre d’intarissables explications : on le dirait hanté par l’âme de cette nécropole et sa maigre silhouette de chercheur d’épaves se profile à souhait sur ces lugubres grèves où les larmes des choses coulent éternellement.
Comme il se faisait tard quand nous quittâmes les ruines, nous prîmes le parti d’aller coucher dans un hôtel du nouveau Louisbourg qui se trouve aussi sur le bord de la baie, à quelques kilomètres de l’ancien. Là, nous passâmes une fort intéressante soirée en causant avec nos hôtes au coin du feu ; que ce feu de la mi-juin ne soit pas pour étonner, on en fait presque toute l’année à Louisbourg dont le climat, très brumeux, se ressent du voisinage de Terre-Neuve ; les journées réellement chaudes y sont à peu près inconnues, tandis que, par un singulier contraste, les étés sont parfois brûlants sur les bords du lac Bras d’Or, dans le cœur de cette île où tout paraît étrange, depuis le ciel, la sylve et les eaux, jusqu’à sa population, clairsemée, pour-