sons, ses centaines de clochers, de dômes, de coupoles, et, dominant le tout, les tours massives de Notre-Dame qui font pendant à la colossale silhouette de la cathédrale de cette ville immense, ainsi dressée dans le lointain ; de toutes ces rues que l’on devine bruyantes et affairées, pas un souffle de vie ne monte jusqu’au sommet du Mont-Royal d’où cette grande ruche de 350 000 habitants apparaît muette et vide.
Le cadre du tableau est aussi beau qu’il est varié : à droite, ce sont les deux pittoresques routes de Lachine, entre lesquelles s’allonge un canal où les vaisseaux semblent voguer sur la terre ferme, tandis qu’un peu plus loin, on voit blanchir l’écume des fameux rapides ; plus bas, c’est le pont Victoria, étendu à travers le fleuve comme un monstrueux Léviathan ; plus bas encore, on aperçoit l’île de Sainte-Hélène, point stratégique jadis, maintenant parc élégant à quelques encablures des quais. À l’arrière-plan, dans l’éloignement, se dressent, abrupts, au milieu de la plaine, les pics de Belœil, où, chaque été, des milliers de Montréalais vont prendre leur essor ; à l’Est, par un temps clair, on entrevoit les Vermonts (Green Mountains) qui ont donné leur nom à cette partie des États-Unis ; au Sud lointain, ce sont les fameux Adirondacks, et vers le Nord, enfin, courent les Laurentides qui se targuent d’être les plus anciennes de toutes les montagnes du globe. Si maintenant l’on descend dans la ville pour la visiter en détail, on ne peut s’empêcher de remarquer le square du Dominion que divise en deux la rue Dorchester. Ce beau jardin public est encadré par de majestueux monuments, au premier rang desquels il convient de citer la cathédrale Saint-Jacques, réduction exacte de Saint-Pierre de Rome, l’hôtel Windsor et la massive gare romane du Canadian Pacific Railvay, ordinairement désigné sous les initiales C. P. R. (prononcez : Cipiar). Le style roman que nous réservons spécialement pour les édifices religieux est employé là-bas aux usages les plus modernes, ce qui donne lieu, parfois, à de piquants contrastes.
Au nombre des édifices publics, où doit citer le palais de justice et l’hôtel de ville ; presque toutes les places sont ornées de statues ; on ne saurait trop remarquer celle du docteur Chénier, un des martyrs de l’insurrection de 1837 : il est représenté tête nue, en costume de chasse, tenant sa carabine d’une main et de l’autre indiquant l’ennemi à ses compagnons d’armes. Si l’on songe que les chefs survivants de cette héroïque équipée furent pendus ou bannis sous le règne de la reine Victoria, il faut louer très haut le libéralisme d’un gouvernement qui ne s’est pas opposé à l’érection d’une pareille statue ; dans un autre ordre d’idées, on peut admirer celle de Maisonneuve qui, en 1642, vint fonder Ville-Marie, au pied du Mont-Royal, sur l’emplacement du village iroquois d’Hochelaga qu’avait découvert Cartier en 1535. Cette statue, de haute allure, et les personnages accessoires qui l’entourent, forment un groupe d’un grand effet artistique.
L’aspect général de la ville est bien moins français que celui de Québec, et au premier abord, l’étranger pourrait se croire transporté aux États-Unis, mais pour peu que l’on quitte les rues brillantes pour se rendre dans les quartiers populaires, l’impression première se modifie. L’influence anglaise n’a eu, non plus, aucune prise sur les campagnes, comme il est aisé de s’en rendre compte en allant les mardi et vendredi au marché de Bon-Secours, un des endroits les plus caractéristiques de Montréal ; la foule paysanne qui y afflue est bien française, celle-là, de pied en cap, et les conversations qu’on y entend feraient pâmer d’aise un