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Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 06.djvu/7

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LE ÉOUR DU MONDE.

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Aussi bien les voyageurs qui abordent l’Éspagne par le Nord-Est, s’inquiètent-ils peu des arts chrétiens ou musulmans, des influences ou des origines ; les points de vue scientifiques les laissent également calmes et de sens rassis. Apollon cède le pas à Mercure. |

La gare. française de Cerbère enregistre vingt caisses armées de ces coins de cuivre qui caractérisent les bagages des commis voy ageurs pour : une malle sans caractère appartenant à un touriste. Et encore faudra-t-1l chercher ce :dernier dans la foule des négociants et des courtiers sans bagages qui vont et viennent entre les deux pays pour échangeñ les étoffes, les vins, les bestiaux, les lièges, les laines et les fers. Il en résulte que. le village de Cerbère, bäti à l’extrême frontière et assis dans le lit d’un torrent, juste à son embouchure dans la mer, faute d’emplacement meilleur, prospère avec une étonnante rapidité et voit sa population s’accroitre chaque jour. Les commissionnaires, les douaniers, les agents de police et surtout les contrebandiers y affluent. Ces derniers, plus stables que les fonctionnaires, font :bien leurs affaires et en sont reconnaissants à Dieu, ainsi qu’en témoigne une charmante église -bâtie aux frais de la populalion.-

‘Au delà de la gare, le train s’engage dans un long souterrain, et quelques : minutes plus tard il entre à Port-Bou, tête de ligne du, réseau’. es à &nol. Sur les quais vont et viennent les guardias civiles. Avec. leur uniforme noir relevé de pareménts ! sre d’un col rouge, leur bicorne couvert d’une coiffe de toile cirée, leurs passementeries blanches et leur ‘ceinturon jaune, ils donnent une bonne idée de la gendarmerie espagnole. | Le

__ Les formalités dé la douane ? Chacuñ en connait le charme ; inutile d’insister. Pourquoi s’impatienter ? L’ heure de Madrid retarde sur celle de France, et comme on redevient plus jeune en passant la frontière, on peut gaspiller sans regret un bien si vite acquis. “Enfin la’cloche sonne :

€ Vrajeros, en tren ! » |

Les voitures s’ébranlent sur une voie plus large qué la.-nôtre. C’est une preuve’de défiance. Les Espagnols ne veulent pas que le matériel des

chemins de’fer français puisse porter chez eux

_une armée d’invasion.

Enfin nous voilà partis. Nous roulans douce- .ment ;, gentiment. Une bonne petite. vitesse qui É . réconcilierait.avec.les chemins de fer les personnes désolées de la disparition des pataches.

. En vérité, la voie tracée en corniche le long du

littoral se perd sous de nombreux tunnels qui se succèdent à de courts intervalles. Ce sont des oppositions violentes d’ombre et de Iumière ;

quand’ün tableau a disparu, un autre se montre

bientôt, et, .au beau soleil du midi, s’éclairent

les :rochers.roses sur les flots d’un bleu profond,

"etle’ cap Creus saillant comme s’il provoquait la” 1. mer. Entre les contreforts s’arrondissent de ‘petites plages couvertes d’un sable presque aussi

blanc que l’écume des eaux. De’temps à autre, la crique se ressérre else prolonge en un vallon très.’ vert, au fond duquel serpente un ruisseau voilé sous les roseaux et les herbes. Alors, dans ces plis de terrain abrités du vent, exposés à la chaleur, baignés par des eaux limpides, apparaissent les figuiers au feuillage sombre, les grenadiers aux fruits lourds pesant sur la branche flexible et délicate, les cactus aux raquettes piquantes, les _aloës aux feuilles acérées, rébarbatives,quiélèvent

_triomphants leurs quénouilles fleuries. Ces der- & GUARDIAS CIVILES D. — LESSIN DE GOTOLBE. : niers sont exploités’ pour leurs fibres excellentes

= | | dont on fabrique des cordes, des nattes et des


| o | :

chaussures connues sous -le nom d’alpargaltes. Detoute antiquité, ces vallées étroites où l’on pouvait

s’approvisionner d’eau douce furent connues des marins et des pêcheurs” Deux dolmens, visibles de la mer. se dressent comme uà signal des sources et un témoignage de leur antiqüité. |

Si le calme règne dans les criques profondes, la éramontane balaye les hauteurs et ne tolère aucun obstacle à ses tourbillons. Ses méfaits sont innombrables. Arrêter les trains en pleine marche ou s’emparer

"