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seulement de les aborder et de leur parler, mais même de les toucher. Elles sont aussi habillées de blanc et portent sur leur vêtement une tunique sans manches, de couleur généralement verte.

Mme  Birsch, qui a visité la Corée, raconte que nulle part les femmes ne sont plus recluses ; une d’elles lui disait qu’elle n’avait jamais vu de jour les rues de la ville. On sonne la cloche, à huit heures du soir ; les hommes rentrent rapidement à leur domicile, et seules les femmes peuvent alors circuler en liberté ; à minuit, on sonne de nouveau, et les femmes doivent se hâter de regagner la maison conjugale.

Un mot encore sur les Coréennes. Pendant son enfance, la petite fille jouit d’une liberté sans restrictions, mais, à sept ans, elle est enfermée dans les appartements et ne devient plus visible que pour son père et ses frères. Mariée, elle appartient entièrement à sa nouvelle famille, et seuls peuvent la voir son mari et son beau-père ; elle n’a fait que changer de milieu, sans que sa condition sociale soit relevée ; elle dépend absolument de son père pour le choix d’un mari, et ses goûts personnels ne sont pas consultés. On prend une femme comme on loue une maison, avec cette différence qu’on visite la maison avant de la louer.

Le père s’abouche avec un entremetteur et lui offre sa fille ; les conditions du mariage sont écrites entre eux, et l’on consulte le devin pour fixer un jour favorable à la célébration. Il en est de même, d’ailleurs, dans la famille du fiancé ; la volonté paternelle est souveraine des deux côtés. Le jour du mariage, les invités viennent à cheval chez la fiancée ; on sert un repas copieux ; la fiancée reste voilée. À la fin du repas, les deux futurs mariés s’inclinent l’un devant l’autre, la mariée se dévoile, et tant mieux si le marié est satisfait !

La femme n’est que la mère de ses enfants ; elle obéit entièrement à son mari et, comme je le disais, ne sort qu’en palanquin pour visiter ses amies ; deux hommes, quelles que soient leurs relations cordiales, ne connaissent pas les femmes de l’un ou de l’autre. Le mari répond de la conduite de sa femme qui, sans droits, n’a pas de devoirs ; il peut être puni pour une faute qu’elle a commise.

Un Coréen ne se marie que pour s’élever dans l’échelle sociale, car un homme marié a plus d’influence qu’un célibataire, même âgé de cent ans.

On peut avoir autant de femmes que le permet la situation de fortune ; celles-ci habitent la maison commune et jouissent, elles et leurs enfants, de droits incontestés.

Nous circulons volontiers dans les quartiers commerçants. Les prix sont considérablement majorés pour nous, qu’il nous plaise d’acheter, soit des chapeaux coréens, soit des objets en cuivre, des ceintures de pierreries fausses ou l’éventail à virgule bleue et rouge, emblème du drapeau national.

LES BŒUFS PORTEURS SONT LES SEULES BÊTES DE SOMME. — D’APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE DU COMTE J. DE PANGE.

Partout, on nous accueille avec sympathie, on étale les plus belles marchandises et on nous offre une tasse de thé vert, bien chaud et savoureux ; la conversation est peu animée, et nous avons le regret de ne pouvoir comprendre les questions qui nous sont posées ; chacun tâte l’étoffe de nos vêtements, en apprécie la qualité, la finesse, évalue le prix en comptant sur ses doigts et cherche à se renseigner ; une montre et une bague en or causent une vive impression et sont estimées à une somme élevée ; enfin le Coréen n’a pas, dans ces entrevues familières, le rire moqueur du Chinois ni l’air envieux du Japonais malhonnête en affaires.


(À suivre.) A. Hagen.