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misère. Ne croyez pas qu’il s’agisse de sauvages : on voit du « monde » à Houat et à Hœdik. À Houat, la comtesse de la Boulaye a installé un établissement d’aviculture. Il y a des visiteurs, des touristes venus de Quiberon comme je viens de Belle-Île.

La côte, assez rude, est dominée d’un fort et d’un moulin. Le village, c’est une église et quelques maisons. Des moutons paissent l’herbe pauvre. Les fleurs abondent, des œillets comme à Quiberon, des églantines, des lis. Les femmes travaillent la terre, les hommes pêchent. L’aspect des gens et des maisons est pauvre. Il y a du blé, pourtant, à Houat, et des crevettes aussi, qui sont recherchées et qui se vendent bien à Quiberon, à Auray et au Croisic.

FEMMES D’HENNEBONT.

La journée est avancée, et je renonce à Hœdik, mais je ne puis partir le lendemain de Belle-Île, comme je le désirais. Le temps, qui menaçait, se déclare en tempête, et c’est seulement vers la fin du mauvais temps, quand le bateau a repris son service, que je puis quitter Kervillaouen et m’embarquer au Palais. Si j’ai trouvé le beau temps monotone à l’aller, je n’ai pas à me plaindre de la variété du retour. Nous essuyons la fin de la tempête. Quelle mer ! Ce n’est plus l’eau bleue et huileuse, où les mouvements du bateau étaient presque imperceptibles. À peine sommes-nous sortis des eaux du Palais, où le calme est relatif, que le bateau est comme saisi, emporté par une avalanche. C’est aussi saisissant, aussi brusque que si nous avions été tout à coup précipités du sommet d’une montagne. Nous ne sommes plus sur une surface égale, nous descendons une pente vertigineuse. Patience ! cela ne dure pas longtemps. Aussitôt arrivés au fond du gouffre, nous remontons la pente opposée. Il faut avoir passé par là pour savoir quelle hauteur peut atteindre une vague. D’en bas, on ne peut croire que le chétif bateau pourra jamais remonter ce versant, et d’en haut, on a la sensation que l’on va tomber au fond d’un gouffre. Les vagues, qui se creusent ainsi et se chevauchent, me font l’effet d’avoir la taille et le volume de maisons de six étages. Mais nous avons le vent pour nous, et l’on hisse la voile sur le vapeur pour aller plus vite. Le bateau va plus vite, en effet, couché sur le côté, et il faut s’agripper solidement pour ne pas être roulé à chaque instant sur le pont inondé d’eau. Nous ne mettons pas une heure pour aller jusqu’à Quiberon. En route, je pensais à Claude Monet qui attendait là-bas, à Kervillaouen, la fin de la tempête pour retourner à la côte, où il n’aurait pu tenir contre le vent, malgré que je l’aie vu souvent amarrer son chevalet à des pierres pour résister. Je pensais aussi aux