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7 novembre. — 34°5 ! La plus basse température de tout le voyage. Faible brise de sud-sud-est. À partir d’ici, nous prenons l’habitude, que nous conserverons pendant tout le voyage, de luncher, lors de la construction d’un cairn qui est élevé au milieu de l’étape. Ce repas n’est pas précisément copieux : trois ou quatre biscuits de mer. Ceux qui désirent se rafraîchir ont la faculté de mélanger leur pain avec de la neige. Ce régime ne fera certes pas venir l’eau à la bouche du lecteur ; nous, nous aurions volontiers mangé le double de cette frugale collation. En ce bas monde, tout est affaire de latitude : ce qui paraît mauvais dans une région semble excellent dans une autre.

BJAALAND.

Au cours de cette étape, nous franchissons la dernière crevasse que nous rencontrerons de longtemps ; elle est à peine large de quelques pouces. En avant la piste semble excellente. Le glacier s’élève en longues ondulations presque imperceptibles. Ces mouvements de terrain nous sont seulement révélés par le fait que souvent les cairns disparaissent brusquement de notre horizon.

2 novembre. — Coup de vent de sud, accompagné d’un violent chasse-neige. Température −10°. Lorsque la brise vient de cette direction, toujours le thermomètre monte. C’est un vrai plaisir de voyager par un temps pareil. Piste très molle ; néanmoins, les chiens marchent admirablement.

3 novembre. — Légère brise de sud. Sur la piste redevenue ferme, les chiens galopent comme des enragés. Aujourd’hui, nous devons arriver au dépôt du 82° de latitude ; en raison d’une brume épaisse nous avons de grandes chances pour ne pas le découvrir. L’après-midi, nous achevons de couvrir la distance qui nous sépare de cette cache ; rien ne paraît cependant ; il est vrai que nous ne voyons pas à dix longueurs de traîneau devant nous. Dans ces conditions, le plus sage est de camper et d’attendre une éclaircie.

HASSEL.

4 novembre. — À quatre heures du matin, le soleil se montre. Dès qu’il a ramolli légèrement la piste et mangé la brume, nous partons. Un temps merveilleux, clair et doux. Devant nous, à perte de vue, le grand désert blanc absolument uni ; en un point seulement un petit monticule, notre dépôt ! La troisième étape importante est achevée. Nous avons atteint notre avant-poste extrême vers le sud. Aussi, grande est notre joie ; nous avons l’impression de tenir presque la victoire. Dans la brume, nous étions arrivés à 5 kilomètres à l’ouest du dépôt. Si hier nous avions continué notre marche, nous aurions coupé l’alignement jalonné de pavillons qui marque l’emplacement de cette cache. Ici, comme au dépôt du 81° de latitude sud, aucune précipitation ne paraît s’être produite depuis notre précédent passage. Les monceaux de neige entassés par le vent autour des caisses ont, comme plus bas, une épaisseur de 0 m. 45. Avec le pemmican contenu dans ce dépôt nous gorgeons les chiens : le reste sera emporté. Quant aux autres approvisionnements, nous en possédons une telle quantité que nous les abandonnons ici pour le retour.

Le lendemain, nous laissons les chiens se reposer. C’est leur dernière vacance. Le temps est magnifique ; nous en profitons pour faire sécher les effets et vérifier les instruments. Le soir, tout est paré. Nous pouvons considérer avec satisfaction l’œuvre accomplie l’automne dernier. Nous avons rempli le programme que nous nous étions tracé, nous avons réussi à transporter notre base d’opération du 78° 38′ au 82° de latitude sud. Nous abattons ici deux chiens malingres. Leurs corps sont placés au sommet du monticule de neige qui recouvre les provisions ; au retour, ils pourront servir. À partir d’ici, nous élèverons un cairn tous les 5 kilomètres et établirons un dépôt à chaque parallèle. Les