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nord. En revanche, droit dans le sud, un peu dans l’ouest, se découvre une voie de pénétration excellente, semble-t-il. Dans cette région, les montagnes les plus rapprochées de la Barrière ne paraissent pas d’accès très difficile. Qu’y a-t-il entre la chaîne Don Pedro Christophersen et la crête Fridtjof Nansen ? Impossible de le distinguer nettement.

12 novembre. — Nous atteignons le 84° de latitude sud. Ce jour-là nous découvrons un relief orienté vers l’est qui semble former dans le sud une profonde inflexion et se réunir à celui de la Terre Victoria. À la cache établie par 84° de latitude, nous laissons, comme dans les autres, cinq jours de vivres pour cinq hommes et douze chiens, en outre, 17 litres de pétrole. Chaque dépôt renferme une provision d’allumettes ; nous possédons une quantité énorme de cet article de première nécessité.

Toujours la Barrière demeure aussi unie et la piste aussi ferme. Il est complètement superflu de faire reposer les chiens un jour, après chaque degré de latitude gagné vers le sud : aucun d’eux ne donne le moindre signe de fatigue ; tout au contraire, la meute paraît de plus en plus vigoureuse. Elle aussi regarde la terre avec intérêt ; la chaîne Fridtjof Nansen, d’un bleu sombre, lui paraît particulièrement attrayante. Aussi, rude est la tâche de Hansen pour maintenir ses élèves dans la bonne direction.

Le 13, route droit vers le fond du golfe que dessinent les montagnes. Étape de 37 kilomètres par une brume intense. Quelle déception de passer près d’une terre inconnue sans en distinguer le moindre trait ! La monotonie de notre existence sur le glacier a été coupée par un incident. Nous entendons comme un jeu de salve tiré par une troupe de fantassins. Ce bruit est évidemment dû à un mouvement de la glace, suivant toute vraisemblance, à la pression exercée par de petits glaciers de la chaîne bordière contre la Barrière. En tout cas, près de là nous avons rencontré un très grand nombre de crevasses qui paraissaient nouvellement formées.

Le 14 novembre, nous parvenons au 84° 40′ de latitude. Nous avançons maintenant à grands pas vers la terre. La chaîne située dans l’est paraît incliner au nord-est. Le point d’attaque que nous avons choisi depuis longtemps se trouve un peu à l’ouest de la ligne nord-sud ; le détour auquel nous serons obligés sera donc court. Le golfe situé dans le sud paraît très accidenté et très difficile.

15 novembre. — Le terrain prend un aspect nouveau. Le glacier s’élève en énormes ondulations de plus en plus hautes à mesure que l’on approche de terre, et, dans le creux de ces vagues, la glace est très tourmentée. Il y a là d’énormes crevasses, toutes remplies de neige ; sans cette circonstance, leur traversée eût été impossible. Le soir, nous touchons le 85° et campons au sommet d’une ondulation. La vallée, assez large, que nous devons remonter demain, présente une forte déclivité. À l’ouest, c’est-à-dire dans la direction de la terre la plus voisine, une boursouflure du glacier est si haute qu’elle masque de ce côté la plus grande partie du panorama.


(À suivre.) Traduit et adapté par M. Charles Rabot.


UNE ZONE CREVASSÉE DE LA BARRIÈRE.