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LA TENTE D’AMUNDSEN AU PÔLE SUD (page 86).

Wilson va beaucoup mieux ; par contre, les doigts d’Evans sont très gravement pris ; deux de ses ongles tombent et les ampoules qui couvrent ses mains crèvent.

Vendredi, 2 février. — Bon départ, par une forte brise de Sud. Descendons bon train une pente raide sur laquelle le traîneau file plus vite que nous, en nous renversant les uns après les autres. Au début, tout va bien ; un peu plus loin, sur une nappe très glissante, en essayant tout à la fois de suivre la trace et de garder l’équilibre, je fais « panache » et retombe sur l’épaule. Toute la partie contusionnée devient aussitôt horriblement douloureuse. Ce soir, la liste des éclopés se trouve donc augmentée : sur cinq hommes, trois blessés, et le plus mauvais passage n’est pas franchi ! Nous aurons de la chance si nous nous en tirons sans dommage sérieux.

La légère augmentation de la ration nous fait du bien ; néanmoins nous devenons terriblement affamés. L’altitude diminuant, le froid est un peu moins rigoureux. À 128 kilomètres seulement du mont Darwin ! Il est temps que nous en finissions avec le plateau. S’il plaît à Dieu, dans quatre jours cela sera fait. Les sacs de couchage deviennent très humides ; nous aurions pourtant besoin d’un bon sommeil.

Samedi, 3 février. — Température : −28°,8. Altitude : 2 712 mètres. Les doigts d’Evans vont aussi bien que possible, toutefois il ne sera pas longtemps en état de nous prêter une aide efficace. Wilson est beaucoup mieux ; de même mon épaule, je ressens cependant encore des élancements douloureux. L’augmentation de la ration nous ragaillardit tous ; mais nous aurions besoin de plus de sommeil. La traversée du plateau sera bientôt achevée, du moins je l’espère.

Dimanche, 4 février. — Température : −30°,5. Juste avant le déjeuner, Evans et moi sommes tombés en même temps dans une crevasse. C’est la seconde chute d’Evans. Après cet incident, nous avons campé. Très bien marché, surtout vers la fin de l’après-midi. Total : 29 kilomètres ; de plus, nous sommes descendus de quelques centaines de mitres. Au milieu de l’étape, la terre est devenue très nettement visible ; j’ai décidé alors de nous diriger droit vers le mont Darwin, que nous sommes en train de contourner.

Lundi, 5 février. — Pour la première fois depuis bien des semaines, le séjour sous la tente est agréable. Nous devons être à 40 ou 48 kilomètres du dépôt. Nous avons la figure gercée et crevassée par tous les vents que nous avons subis ; sous ce rapport, je suis moins éprouvé que les autres. Le nez d’Evans est presque aussi malade que ses mains ; notre compagnon broie terriblement du noir.

Mardi, 6 février. — Au déjeuner, altitude : 2 370 mètres ; au dîner : 2 163 mètres. Nous dirigeant droit vers le mont Darwin nous nous trouvons, une demi-heure plus tard, dans un labyrinthe d’énormes fissures béantes dépourvues de ponts mais pas très profondes, semble-t-il. Nous marchons alors vers le Nord entre