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Au milieu des micocouliers, des figuiers, des oliviers et des pins, qui ondulent sous la caresse un peu rude du mistral, nous redescendons à Saint-Rémy, non sans avoir fait une intéressante visite au monastère de Saint-Paul-du-Mausolée, situé à 200 mètres à l’est des Antiques. C’est un très vieux monastère, puisque dès le xie siècle il était habité par des Frères ; son église romane, de la fin du xiie siècle, dresse au-dessus des bâtiments les deux étages, terminés par une pyramide, de sa tour carrée ; un cloître de même époque, attenant à l’église, entoure un jardinet à demi-vierge de ses galeries d’arcades cintrées reposant sur des colonnettes jumelles.

À moins de dix lieues dans l’Ouest, le pont du Gard dresse sa grandiose architecture. Nous nous y rendons par Tarascon et Remoulins.

SAINT-RÉMY. LES ANTIQUES. L’ARC ET LE MAUSOLÉE SONT LÀ, CÔTE À CÔTE (page 257).

À dire vrai, si les Tarasconnais sont aussi grandiloquents et pompeux qu’on veut bien le prétendre, l’ironie de Daudet paraît très justifiée. Leur ville est bien simplette et a tout au plus l’apparence d’un simple chef-lieu de canton. Lorsqu’on y pénètre par les degrés noirs et visqueux de la gare, la première chose qui frappe les yeux est un vaste hangar en planches, couvert d’une bâche, qui porte le nom de Casino des Fleurs ; on arrive aussitôt à une place bien tranquille, qui est baptisée place de la Concorde ; il y a également un Grand hôtel du Louvre et un Cercle du Progrès, mais surtout de petites rues solitaires et vieillottes. Toute fois le pont qui relie Tarascon à Beaucaire offre une belle perspective sur le Rhône et sur les deux châteaux forts. Car chacune des deux cités rivales possède le sien. Celui de Tarascon, commencé en 1400 par Louis d’Anjou et achevé par le roi René, est construit sur le rocher, au bord mène du fleuve ; ses épaisses murailles forment un vaste rectangle, flanqué à chacun de ses angles de grosses tours alternativement rondes ou carrées ; aux tours du Nord font suite les courtines et les tours carrées plus petites des remparts, percées de meurtrières et couronnées d’un parapet crénelé. Cette très noble forteresse est remarquablement conservée. Le château de Beaucaire, situé en face sur une hauteur dominant la ville et le Rhône, l’est beaucoup moins ; ce n’est, en réalité, qu’une série de ruines, mais, parmi ces ruines, le donjon a conservé de l’allure et la chapelle romane beaucoup de joliesse. Beaucaire, n’a d’ailleurs, d’intéressant que son château, peut-être aussi un hôtel de ville assez caractéristique ; quant au reste ce ne sont que rues tristes et qui semblent inhabitées.

De Beaucaire à Tarascon
Y a qu’un pont, mai es long.

affirme un dicton du cru. Nous le retraversons ce pont (et il nous paraît long, en effet, sous les rafales du mistral) pour visiter l’église Sainte-Marthe. On sait que, d’après une légende, la sainte après avoir débarqué en Gaule avec les trois Marie et Lazare, aurait été appelée dans le pays tarasconnais pour le purger, par la grâce de Dieu, d’un monstre amphibie très redouté, la Tarasque. Cette charmante bête, dont on vous présente, avec ressemblance non garantie, il est vrai, au musée Arlaten, une image séduisante, dut s’avouer vaincue ; signe de croix de sainte Marthe et quelques gouttes d’eau bénite répandues par elle, suffirent à cette tache. La Tarasque avait vécu et Tarascon libérée acclamait Marthe comme patronne. Une église édifiée sous son vocable existait déjà bien avant le xe siècle ; l’église actuelle date de la fin du xiie siècle, avec remaniements aux xiiie, xive et xve siècles ; elle offre aux spécialistes de l’architecture un intérêt tout particulier en raison de la variété qu’y ont apportée chacune des périodes de