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sa construction. La voûte d’ogives de la nef, ses arcades aux chapiteaux de feuilles, la rose du tympan, les bas-côtés où chaque siècle a laissé son empreinte, l’abside à sept pans, enfin la crypte aux voûtes cintrées avec le très curieux tombeau de sainte Marthe retiennent tour à tour l’attention.

Trois quarts d’heure de route et nous voici maintenant à Remoulins, envahie par un régiment dont les soldats, après une journée de manœuvres, font retentir les rues et la place des éclats de leur jeune gaîté. Dans la nuit tombée, par une soirée lumineuse, la promenade à pied vers l’hôtel du Pont-du-Gard s’impose. Nous traversons un pont suspendu et côtoyons, sous une allée de platanes, la rive droite du Gardon ; les rumeurs du bourg s’éteignent peu à peu et le grand silence de la campagne n’est plus trouble que par le murmure sourd de la rivière et le sifflet strident d’un convoi passant sur la rive opposée.

À l’arrivée, par cette nuit éclatante, c’est une vision de féerie. Barrant la vallée de sa masse imposante, l’immuable pont se profile sur la blancheur du ciel, et la lune se joue en reflets argentés au travers de son triple rang d’arcades. Mais c’est là une impression d’ensemble et de poésie ; pour se rendre compte des proportions grandioses du monument, pour en bien voir les détails et l’admirer sous son vrai jour, il faut le visiter sous le beau soleil méridional. La vallée qui lui sert de cadre se courbe harmonieusement, ajoutant à la noblesse des arches la séduction d’un fond d’éclatante verdure, tandis que les arcades supérieures dessinent sur un ciel d’azur insondable l’élégance de leurs cintrages.

Ce pont du Gard, qui fut un aqueduc, est certainement l’une des œuvres les plus colossales de l’architecture romaine. Sa situation dans un paysage à la fois de grandeur et de grâce, l’état remarquable de conservation (auquel ont largement contribué les restaurations faites sous l’Empire) le rendent très supérieur à tous les travaux de ce genre, même aux aqueducs de la campagne romaine. L’aqueduc dont il faisait partie, long de 41 kilomètres et qui commençait à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest, conduisait à Nîmes les eaux de l’Eure et de l’Airon ; on en trouve sur les coteaux voisins les traces envahies par la végétation puissante. Le gros œuvre du pont permet de concevoir les difficultés qu’il a fallu vaincre à une époque (an 19 avant J.-C.) où les moyens de conduire les gigantesques blocs de pierre étaient infiniment moins perfectionnés que les nôtres. Ces blocs, qui doivent à la seule précision de leur agencement une stabilité millénaire, puisque nul ciment n’en consolidait les jointures, s’étagent en trois rangs d’arcades sur une longueur de 269 mètres et une élévation de 49. L’aqueduc proprement dit forme au sommet un canal soutenu par 35 arches ; par la rive gauche du Gardon on peut gagner ce canal au moyen d’un escalier établi dans la maçonnerie et le traverser dans toute sa longueur. Les dépôts calcaires de l’eau y ont été si abondants qu’en certains endroits ils permettent à peine le passage. On redescendra ensuite jusqu’à la berge de la rivière qui coule, large et limpide, dans la vallée verdoyante, pour mieux comprendre la grandeur de l’œuvre et en mieux sentir toute la majesté.

Du pont du Gard à Nîmes, par les bains de Lafoux, route quelconque plutôt, en tous cas échauffée à l’excès par un rutilant soleil, toute auréolée d’une buée vibrante qui fait soupirer après les ombrages de la forêt voisine.

TARASCON. LE CHÂTEAU, CONSTRUIT SUR LE ROCHER, AU BORD MÈME DU FLEUVE (page 258).


Car Nîmes et sa région sont torrides l’été, il faut le reconnaître ; tant de bonnes choses sont à dire, par ailleurs, de cette ville où les antiquités de Rome forment un trésor archéologique à peu près sans rival ! Au pied des deux collines, Nîmes étend dans la plaine brûlée le réseau très serré de ses rues étroites ; les boulevards Victor Hugo, Daudet, Gambetta et Courbet qui entourent le cœur de la cité, dont la cathédrale Saint-Castor occupe exactement le centre, procurent quelque ombrage, sinon beaucoup de fraîcheur au promeneur haletant. L’eau est rare, si rare qu’on se demande à quelles considérations on a bien pu obéir pour choisir un