Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 20.djvu/276

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étincelante sur les vieux monuments et sur les maisons grises, égayant les rues moyenâgeuses des quais, scintillant en mille paillettes d’or sur le grand Rhône, perçant de ses flèches les ombrages des avenues, caressant de ses rayons printaniers les deux places où s’agite tout un peuple de femmes à la démarche vive, à la silhouette fine et élancée, combien change l’impression ! C’est bien la « cité noble d’Ausone, c’est bien

… la belle Grecque aux yeux de Sarrazine,
la ville si chère à Mistral « qui domine encore par ce rayon de Dieu qui éclaire le monde et qui se nomme la beauté », la poétique inspiratrice de Gounod et de Bizet. Et si les monuments du passé dont elle est si riche ont pu nous impressionner sous le ciel noir et sous l’ondée lancinante, combien vont-ils nous émouvoir dans la pure lumière pour laquelle ils sont si bien faits !
ARLES, SUR LES BORDS DU CANAL DE CRAPONNE.

Nous retournons au jardin de la Cavalerie, tout proche de la gare, pour recommencer dans des conditions plus favorables notre visite. Voici d’abord les anciens remparts, dont une partie date de l’époque romaine, de Jules César et d’Auguste, mais qui ont été maintes fois remaniés au cours des siècles, au xiie notamment. Entre deux tours rondes découronnées, la porte de la Cavalerie, reconstruite au xviie siècle, donne accès à la ville et l’on se retrouve très vite au pied des arènes.

Cet amphithéâtre est un peu plus grand que celui de Nîmes, de même forme elliptique et d’une superficie de 11 776 mètres carrés, dont 2 166 pour l’arène seule. Son état de conservation est moins parfait, mais néanmoins remarquable et malgré les restaurations dont les gradins ont été l’objet, malgré certaine abominable tribune en bois édifiée le long du podium, on éprouve bien plus qu’à Nîmes la puissance évocatrice du passé. On peut regretter, sans doute, que les trois tours carrées, élevées au xiie siècle pour la défense de la ville et qui dominent le monument de leurs formes massives, tranchent quelque peu avec l’harmonie primitive de l’édifice, mais leur plate-forme offre à la vue un inoubliable panorama sur la ville, le grand Rhône et le pays Arlaten. Le déblaiement des arènes, entrepris il y a un siècle à peine, a été laborieux. 212 maisons et deux chapelles l’avaient envahi de leurs constructions disparates, il fallut plus de vingt ans pour rendre à l’amphithéâtre sa physionomie première. Il nous présente aujourd’hui un immense rez-de-chaussée d’ordre dorique composé de soixante arcades en plein cintre d’une hauteur moyenne de 6 m. 15, surmonté d’un