Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 20.djvu/283

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abandonnée derrière l’église actuelle. Saint-Gilles possède enfin une très belle maison romane du xiie siècle, décorée de croix de saint André, de losanges et de rosaces. Selon la tradition, le pape Clément IV y serait né, et ce souvenir nous ramène tout naturellement vers Avignon où les successeurs de Clément IV devaient bientôt fixer leur résidence.

De très loin, la Cité des Papes, impressionnante et grandiose, dessine la ceinture de ses remparts dominés par le rocher des Doms, la cathédrale et la forteresse : « c’est Avignon et le palais des Papes ! Avignon ! Avignon sur sa Roque géante ! Avignon, la sonneuse de la joie, qui, l’une après l’autre, élève les pointes de ses clochers tout semés de fleurons ! Avignon, la filleule de Saint-Pierre qui en a vu la barque à l’ancre dans son port et en porta les clefs à sa ceinture de créneaux ! Avignon, la ville accorte que le mistral trousse et décoiffe, et qui, pour avoir vu la gloire tant reluire, n’a gardé pour elle que l’insouciance ! » Le cours et la rue de la République, modernes et sans caractère, mais pittoresques dans leur animation de grande ville, conduisent à la place de l’Hôtel-de-Ville, puis à la place du Palais à l’entrée de laquelle on se trouve transporté en plein Moyen âge. La promenade du rocher des Doms lui fait suite ; nous escaladons ses pentes raides, contournant les pelouses fleuries et les allées ombreuses du parc, pour arriver aux terrasses d’où se déroule un panorama du plus grand caractère. Devant la ligne sombre des remparts, le Rhône précipite ses flots rapides et bouillonnants à l’assaut des arches branlantes du vieux pont Saint-Bénezet ; « le Rhône où tant de cités, pour boire, viennent à la file, en riant et en chantant, plonger leurs lèvres tout le long ; le Rhône si fier dans ses bords et qui, dès qu’il arrive à Avignon, consent pourtant à s’infléchir pour venir saluer Notre-Dame des Doms ! » Au-delà du fleuve que l’on traverse dans un bac glissant par la seule impulsion du courant le long d’un câble d’acier, s’étalent les prairies de l’île de la Barthelasse où les félibres viennent rêver dans les roseaux, à l’ombre des saules. Sur les hauteurs de Villeneuve, de belles villas surgissent au milieu de bosquets touffus, contrastant avec l’appareil formidable du fort Saint-André, les clochetons de la Chartreuse et la silhouette élancée de la tour Philippe-le-Bel. Derrière nous le palais des Papes profile ses créneaux, ses mâchicoulis et ses tours au pied desquelles se groupent les maisons et les ruelles tortueuses du vieil Avignon. Puis la campagne se poursuit, coupée par les Cornes de Château-Renard, à travers les champs d’oliviers au terne feuillage et les lignes de cyprès protecteurs contre le mistral, jusqu’au massif des Alpines bleues, dont les crêtes dentelées tranchent violemment sur l’azur du ciel. Enfin, à l’horizon, surgit tout à coup à 1911 mètres, isolée, escarpée, visible de 40 lieues, couronnée de neige pendant six mois de l’année, la haute cime du Ventoux, du Ventour comme on dit ici, qui « vénérable, élève sur les montagnes blotties au-dessous de lui sa blanche tête jusqu’aux astres, tel qu’un grand et vieux chef de pasteurs qui, entre les hêtres et les pins sauvages, accoté de son bâton, contemple son troupeau. » Là est le siège de la Lavandière ; lorsqu’on la voit d’en bas on la prend pour un long nuage blanc, « mais, ô bergers, vite, vite que vos brebis rentrent au parc, la lavandière de malheur amasse autour d’elle les nuées errantes et, sur la mer qui monte et mugit, à la garde de Notre-Dame, les pâles nautonniers recommandent leur proue !… »

AVIGNON, C’EST SUR UN MODERNE PONT SUSPENDU QU’ON TRAVERSE LE RHÔNE (page 274).

La légende raconte que sainte Marthe, après avoir vaincu la tarasque et converti Avignon, éleva au Rocher des Doms, sur les ruines d’un temple païen, une église consacrée par saint Maximin, saint Eutrope et saint Trophime, qui est devenue la cathédrale Notre-Dame des Doms. Le portique en plein cintre est d’une ornementation sobre. Le clocher carré, flanqué de tourelles rectangulaires, est surmonté d’un lanternon octogonal au-dessus duquel on a placé en 1859 une statue dorée de la Vierge. La nef unique, voûtée en berceau, est entourée de chapelles latérales. On y remarque des fresques de Devéria, des tableaux de