SUR LES ROUTES DE PROVENCE[1]
III. — LA CAMARGUE — AIGUES-MORTES ET LES SAINTES-MARIES DE LA MER
igues-Mortes… S’imagine-t-on l’impression que ressentirait devant
la ville féodale le Parisien qui, brusquement, quitterait les grands
boulevards de la capitale avec tout le luxe de la civilisation contemporaine,
les magasins ruisselants d’électricité, les trottoirs encombrés
d’une foule agitée, la chaussée parcourue en tous sens par les véhicules
les plus modernes, pour se trouver en l’espace d’une nuit — et
la chose est possible, certes – transporté devant les murs de la cité
de Saint-Louis ? L’impression seule vaudrait le voyage, après tout, et
il n’en coûterait pas beaucoup plus qu’un dîner fin au restaurant à la
mode et moins encore qu’une soirée malheureuse d’ « option » à cinq
sous le point !
Pour nous, qui parcourons depuis plusieurs jours déjà les routes de la Provence et qui commençons à nous familiariser avec les contrastes dont elle est pleine, la claire matinée d’avril qui nous a vus quitter Saint-Gilles et nous diriger vers la ville endormie reste ce pendant parmi celles qui nous ont réservé les sensations les plus vives. Tout est fait pour surprendre dans cet étrange pays ; les plaines sans fin au milieu desquelles court la voie et qui s’étendent sans une ondulation vers la mer, une région que l’on croyait pauvre, déshéritée, toute de marécages et ou d’immenses vignobles couvrent le sol de leurs pampres déjà vertes, et ce grand ciel si lumineux que les plus extrêmes lointains ont des reliefs d’une extraordinaire netteté. Le train débonnaire, au milieu des mas clairsemés, s’arrête en de modestes bourgades dont les stations sont envahies par des femmes au joli costume et des gars vigoureux et décidés ;
- ↑ Suite. Voyez page 253 et 265.